Posté le 16.10.2022
C’était la formule la plus souvent prononcée par Bertrand Tavernier quand il parlait des films qu’il aimait, et restituée par Thierry Frémaux dans un récit littéraire et intime : Si nous avions su que nous l'aimions tant, nous l'aurions aimé davantage.
C’est l’histoire d’une amitié. « Je parle de l’homme que j’ai connu », est-il limpidement écrit dans ce livre qui témoigne à quel point une rencontre change une vie. Etudiant en cinéma, journaliste amateur, Thierry Frémaux aborde un jour Bertrand Tavernier. Ils ne se quitteront plus. Ils iront montrer les films Lumière aux quatre coins du monde, feront de l’institut Lumière la cinémathèque la plus accueillante de France et inventeront un festival unique. Il est très émouvant de constater combien le livre tisse naturellement des liens profonds avec le festival. On y trouve les noms d’André de Toth, de Sidney Lumet et de son « formidable ! » A bout de course, comme autant d’invitations à aller au cinéma voir des films qui sont au programme de Lumière 2022 !
© Loïc Benoit
Ce livre hommage à Bertrand Tavernier, Thierry Frémaux l’avait d’abord imaginé comme un texte bref. Et puis les souvenirs sont venus sous sa plume, et les émotions avec : le récit d’un périple américain légendaire, la mémoire d’une conversation jamais vraiment interrompue, qui reprenait sans cesse là où on l’avait laissée, comme un dialogue permanent, foisonnant, sur le cinéma. Ce compagnonnage, Thierry Frémaux le retrace d’un style précis et alerte, avec cet amour à raconter des histoires que lui connaissent ceux qui ont assisté à l’une de ses présentations de films.
Si nous avions su que nous l'aimions tant, nous l'aurions aimé davantage fait œuvre de la nécessité de la fidélité, de la durée, de l’engagement, que l’on retrouve dans le cinéma de tous les grands créateurs, de James Gray à Tim Burton, célébrés cette année à Lumière. Mais surtout ce que ce livre nous dit, c’est qu’il ne faut pas craindre d’avoir un maître, ni d’admirer ceux qui nous grandissent. Il dit aussi que le goût du cinéma, ce plaisir immédiat de l’émotion d’un récit, d’une empathie pour des personnages, se nourrit, s’enrichit d’un savoir, fût-il toujours incomplet – car l’on sait qu’on ne saura pas tout. C’est aussi le portrait d’une certaine cinéphilie enthousiaste, joyeuse avec, en filigrane, l’espoir que, même sans Bertrand, elle ait de beaux jours devant elle.
Aurélien Ferenczi
à lire
Si nous avions su que nous l'aimions tant, nous l'aurions aimé davantage de Thierry Frémaux (Grasset, 220 pages, 19 €).
L’ouvrage est disponible aux deux librairies de l’Institut Lumière (Village et rue du premier-film) ainsi que les deux publications récentes co-éditées par Actes sud et l’Institut Lumière : Margot Capelier, reine du casting de Corinne Bacharach (272 pages, 25€) et Audiard Réalisateur, Scénarios écrits avec Jean-Marie Poiré, présentés et édités par Thibaut Bruttin (784 pages, 39€)