Posté le 23.10.2022
Avec la sincérité et la générosité qu’on lui connaît, le cinéaste Claude Lelouch s’est confié ce samedi au public du TNP de Villeurbanne lors d’une rencontre organisée dans le cadre du festival.
© Loic Benoit
Une dispute à l’origine de l’histoire de « Vivre pour vivre »
Je venais de faire « Un homme et une femme », avec lequel j’avais été gâté par plusieurs prix (Oscars, Golden Globes), la barre était haute. J’avais envie de refaire un film avec Jean-Louis Trintignant. Je voulais raconter l’histoire d’un garçon qui veut retrouver l’assassin de son père dans les camps de concentration. J’avais filmé le Brésil dans tous ses états : avec des serpents la jungle, etc…Et je montre ces images à Jean-Louis : il a eu peur et m’a dit : » je ne suis pas un aventurier, je ne me vois pas faire ce film ». Mais les financements du film étaient déjà bien avancés. On m’a donné quelques semaines pour trouver une autre idée de scénario. Un soir avec ma femme nous nous sommes disputés, elle m’a dit : « tu es peut-être un type formidable dans ton métier, mais dans la vie, tu es un naze ! » Tout est partie de là, je me suis dit que j’allais faire un film sur ce sujet.
Tout pour la musique
Nous avons tous deux types d’intelligence : une rationnelle et une irrationnelle, l’instinct, dont on ne se sert pas assez. La musique s’adresse à cette part animale de nous. La musique est le langage du divin. Moi, le premier médicament que je prends quand je ne vais pas bien, c’est la musique. Lorsque je travaille sur un film, je commence par la musique. La première personne à qui je raconte le film, c’est mon compositeur de musique, Francis Lai. Quand j’ai commencé à faire les scopitones (clips), j’ai compris l’importance de la musique. D’ailleurs, je prépare actuellement mon prochain film dont la musique sera composée par Calogero et Ibrahim Maalouf.
Son Style : De l’amour, de l’amour, de l’amour
Dans mon cinéma, la vie est omniprésente. J’adore quand les acteurs cessent de faire semblant. La différence entre un acteur et les gens c’est que dans la vie on n’a qu’une seule prise ! Et la vérité est dans les yeux, c’est pour ça que j’aime filmer les regards. Je vis une histoire d’amour avec la vie et avec mes films, j’ai envie de vous faire aimer la vie. Je suis un marchand d’amour. J’ai le sentiment d’avoir raconté une seule histoire : celle d’un homme, un promeneur qui aime la vie, l’amour. J’ai filmé l’amour dans tous mes films, c’est le sujet principal de l’humanité.
Vocation
J’ai commencé comme caméraman d’actualité, je ne pensais pas faire de la mise en scène. J’ai parcouru plusieurs pays en filmant à l’aide de la caméra offerte par mon père. Le tournage du film « Quand le rideau se lève » en URSS a été une grande aventure. Un chauffeur de taxi m’a conduit sur le tournage du film « Quand passent les cigognes » de Mikhaïl Kalatozov. Il faisait une scène dans laquelle la caméra monte en suivant l’acteur dans un escalier en colimaçon. Lorsqu’il m’a montré une heure du film, j’étais en larmes. J’ai immédiatement appelé le directeur du Festival de Cannes pour qu’il sélectionne ce film. Et le film a décroché la Palme d’Or ! C’est ce jour-là que je me suis dit que je voulais faire du cinéma. Quand j’étais gosse, je suis tombé amoureux du cinéma, ma mère me cachait dans les salles pendant la guerre. Le cinéma permet d’adoucir la violence de la vie.
La caméra, acteur principal du cinéma
La caméra est un troisième œil, c’est comme un microscope ou une loupe qui filme ce que l’on ne voit pas à l’œil nu. Quand il m’est arrivé de tomber amoureux de certaines de mes actrices, c’est parce que j’avais vu à la caméra des choses que je ne voyais pas à l’œil nu ! Je considère que l’émotion est plus forte que la définition d’une image. Je laisse entrer la vie dans les films.
© Loic Benoit
© Loic Benoit
Laura Lépine