Posté le 22.10.2022
Avant la remise du Prix Lumière, Tim Burton s’est confié au public lyonnais sur son parcours et sur ses héros si singuliers qui lui ressemblent tant.
Débuts différents ?
J’ai eu une drôle de carrière car j’ai commencé en tant qu’auteur de films d’animations pour Disney, puis j’ai fait Pee-wee, et je n’ai jamais vraiment travaillé en tant qu’indépendant, je suis toujours resté dans les studios. Au départ, les gens ne comprenaient pas vraiment ce que je faisais, et j’étais considéré comme un drôle de type. Je voulais juste être Godzilla et détruire Tokyo ! Au début, je communiquais mieux visuellement, à travers des dessins, je viens de l’animation et c’est une façon très spécifique d’envisager une histoire.
© Olivier Chassignole
Cinéphile normal ?
J’étais un cinéphile normal ce qui veut dire que j’étais complètement anormal. J’ai d’abord regardé des films d’horreur, j’adorais les films de Mario Bava, c’est comme ça que j’ai commencé…
Je viens de Burbank, une petite ville de la banlieue de LA, de la classe moyenne, là-bas on va au cinéma du coin, ça nourrit votre créativité, vos rêves… Et ce fut ma source d’inspiration… Ils ont d’ailleurs créé un prix Tim Burton à Burbank décerné à un jeune réalisateur.
Nouvel Hollywood
Les années 70 correspondaient à un monde d’expérimentations et de libertés, même au cœur d’Hollywood, c’était bien plus centré sur la créativité. Avant de faire Batman je n’avais jamais entendu le mot « franchise », ça a tout changé, c’était le début de la vague des blockbusters… En revanche, il y a quelques années on a commencé à parler de streaming, de télévision mais je ne crois pas, je me dis que le cinéma va rester un art, quand je vois une telle cinéphilie par exemple à Lyon…
Batman
C’était très excitant de se trouver au début de tout cela, de la vague des super héros, c’était spécial pour moi. On n’arrêtait pas de me dire que c’était trop dark, aussi bien visuellement qu’intellectuellement, et maintenant regardez, mon Batman, on dirait une bluette !
Héros qui lui ressemblent
Ces héros comme Pee-wee, Edward aux mains d’argent, même Batman qui ne me ressemble pas, en un sens c’est moi à chaque fois. J’ai toujours l’impression que je dois « remplir » le personnage, l’identité, la dualité entre le sombre et la lumière, ce genre de sentiments… J’ai toujours besoin d’avoir une certaine connexion avec le personnage ne serait-ce que pour la transmettre aux acteurs, à l’équipe technique, les cadreurs, photographes…
Tournage et films
L’étape du tournage, c’est ce que je préfère. Créer une famille artistique étrange, c’est très excitant d’avoir une connexion avec eux, avec cette famille de cinéma. C’est pourquoi j’aime tant Ed Wood. Chacun de mes films est important pour moi, ils sont un peu comme mes enfants… Je les aime tous, même les plus moches, avec un film qui est un peu au-dessus du lot dans mon cœur : L’étrange Noël de Mister Jack car il ressemble exactement à ce que j’avais voulu… Mais je les aime tous. Sans Vincent Price, narrateur de mon premier court, Vincent, je ne serais pas là aujourd’hui. Ed Wood, c’est quelque chose de très personnel. Il y a une étrange poésie au travail chez Ed Wood, ses dialogues, je les trouve bizarrement poétiques…
© Olivier Chassignole
Johnny Depp
Johnny, un petit gars de la banlieue « white trash », est très différent de moi, mais j’ai tout de suite connecté avec lui. Quand je l’ai rencontré pour Edward aux mains d’argent, je sentais qu’il était prêt à se mettre des défis en tant qu’acteur, c’est sans doute pour ça qu’on s’entend si bien tous les deux… Il était intéressé par l’art, il avait ce potentiel de jouer tellement de personnages, c’est très excitant ...
En jouant comme ça dans Pirate des Caraïbes, il a surpris tout le monde, personne n’a compris pourquoi il jouait comme s’il était saoul, mais ils l’ont laissé faire et c’est un peu comme au début de ma carrière quand on me laissait faire aussi… Il y avait une dynamique entre lui et moi.
Actrices
Marion Cotillard est géniale dans Big Fish, elle est venue vivre six mois en Alabama et rien que pour ça, bravo, avec Eva Green elles ont cette puissance qui rappelle un peu les actrices d’avant, des années 50. Eva Green est formidable, en travaillant avec elle, vous voulez voir ce qu’elle va faire, elle a appris le trapèze pour moi, maintenant elle pourrait travailler dans un cirque, on sent un retour d’énergie, une collaboration, j’ai vraiment besoin de cette collaboration…
Monstres
Pour moi, les monstres sont juste différents, je m’identifie énormément à Frankenstein ou la Créature du lac noir. Je les vois plus comme mes amis que comme quelque chose d’effrayant. J’ai une grande connexion avec eux, psychologiquement et visuellement.
Conseils pour débutants
Mon parcours a été étrange donc je n’ai pas vraiment de recette mais je dirais que la passion est le mot d’ordre. Sortez ce que vous avez envie de dire, et faites le toujours avec passion.
© Olivier Chassignole
Propos recueillis par Charlotte Pavard