Posté le 23.10.2022
Au milieu des années 60, André Cayatte tente une drôle d’expérience : deux films presque jumeaux donnant le point de vue du mari et de la femme sur l’échec de leurs couple.
La Vie conjugale, 1964 © DR
« La vérité d'un couple n'est ni unique ni objective, disait Cayatte, et c'est pourquoi j'ai été amené à faire deux films. Ils ont des mouvements contraires, mais l'un n'est, en aucun cas, le négatif de l'autre, et leur coexistence seule reste démonstrative. De plus, chaque histoire est complètement autonome, et je conçois très bien qu'on ne s'intéresse qu'à la vie de Françoise ou à celle de -Jean-Marc. Mais voir les deux films c'est un peu comme si on en voyait trois, le troisième étant, en quelque sorte, " construit "par le spectateur lui-même... »
Ce diptyque est un drôle d’exercice narratif, un film–expérience : raconter le lent naufrage d’un compte à travers les arguments de l’homme ou ceux de la femme, dans l’ordre que l’on veut, précisait toujours le cinéaste, et sans doute l’appréhension du problème n’est-elle pas la même selon que l’on commence par l’un ou par l'autre.
On y retrouve Cayatte l’avocat, qui a plaidé de nombreuses procédures de divorce, et constaté avec regret que la loi poussait toujours à la discorde est rarement à l’apaisement ; et on retrouve aussi Cayatte, le cinéaste amateur de construction rigoureuse, roi de la thèse et de l’antithèses, qui fait se succéder ici deux plaidoiries – aux spectateurs d’être le jury.
Les deux films sont construits en flash-back : en voix off, Françoise (Marie-José Nat) dans un cas, Jean-Marc (Jacques Charrier) dans l’autre, se remémorent non sans aigreur l’échec d’un amour qu’on a vu naître. Un soir de surprise-partie, le noceur impénitent s’amourache de l’ingénue et les voilà qui basculent tous deux dans le monde des adultes, avec responsabilités, argent à gagner et bientôt un enfant. C’est un peu la bande futile des Tricheurs qui se réveille un jour avec une vie bourgeoise devant soi, finies la fête et l’insouciance.
L’intérêt du film, outre la chronique pleine de vivacité d’un couple des années 60, que la patine du temps rend gentiment exotique, c’est justement la divergence de vues : le film s’accorde parfois à la vision subjective d’un des deux personnages et la réalité devient indiscernable. Bref, chacun voit midi à sa porte et il faut saluer la liberté que Cayatte offre spectateur n’imposant jamais son point de vue, le laissant entièrement libre de de désigner les responsabilités de l’un ou de l’autre, voire de penser qu’au fond ces deux-là n’avaient pas grand-chose à faire ensemble. De quoi écorner l’image d’Épinal d’un cinéaste prêcheur, cherchant toujours à convaincre.
A.F.
Séances :
Françoise ou la vie conjugale d’André Cayatte (1964, 1h38, VFSTA)
Pathé Bellecour di 23 à 14h30
Jean-Marc ou la vie conjugale d’André Cayatte (1964, 1h40, VFSTA)
Pathé Bellecour di 23 à 16h45