Posté le 15.10.2022

Écrivain reconnu et engagé, éphémère ministre de la culture dans son pays, le sud-coréen Lee Chang-dong, 68 ans, a choisi le cinéma pour bâtir une œuvre humaniste et fascinante.

En six films réalisés entre 1997 et 2018, Lee Chang-dong a bâti un monde composé de personnages de tous âges, de condition sociale souvent modeste, qui se demandent ce qu’ils font là, et même pour certains s’ils sont bel et bien réels. Le cinéaste se sert puissamment de tout ce que les sens, yeux, ouïe, toucher, impactent sur l’homme pour créer une proximité instinctive et inconsciente avec le spectateur. Son cinéma est vibrant. Tout agit. Le train est le temps qui passe, le paysage horizontal et naturel propose le répit, une verticalité composée de buildings les états de chaos intérieurs, la danse d’une fille poitrine nue au crépuscule (Burning) donne la sensation de voir un moment indéfinissable et miraculeux se dérouler, sans que l’on sache totalement pourquoi ou ce qu’il veut nous transmettre… Car Lee Chang-dong est un grand cinéaste du mystère. Il ne s’agit pas tant de résoudre les énigmes de la vie, que de les poser.

© Pine House Film/DR

Le cinéma de Lee Chang-dong est aussi celui de la différence. Ses héros imposent au grand jour la face cachée que nous recélons tous. Les envies, les rêves secrets se font jour à travers des êtres aussi libres que le couple d’handicapés incontrôlables et fabuleux d’Oasis (2002). Faire ce que l’on sent contre vents et marées, en restant des êtres de mystère car impossibles à sonder, est l’idée merveilleuse qui innerve ce film d’amour très mal élevé. Chez Lee Chang-dong, il s’agit de s’exprimer avant tout, ne pas chercher à toujours tout comprendre. Les personnages de Lee Chang-dong ont ce point commun : ils sont courageux. L’ancien flic perdu de Peppermint Candy (2000) affronte à rebours son statut d’homme qui ne parvient jamais à être à l’équilibre, mais qui essaie tout le temps de tenir debout.

Les êtres de cinéma de Lee Chang-dong s’échappent en permanence. Cela rend ses films passionnants à suivre car totalement imprévisibles. L’art est une des voies de ces fuites physiques et surtout mentales. La jeune mère meurtrie de Secret Sunshine (2007) enseigne la musique. La grand-mère de Poetry (2010) prend perpétuellement des notes sur un carnet dans l’espoir d’en faire des poèmes, autant pour lutter contre la maladie d’Alzheimer que, paradoxalement pour oublier que son petit-fils a provoqué la mort d’une adolescente dans des circonstances terribles. Le jeune héros sensible et solitaire de Burning (2018) se sert de l’écriture pour continuer à vivre son amour avec une jeune fille disparue. Peu importe l’âge, la condition sociale, ou la manière, ce qui compte pour Lee Chang-dong, c’est restituer à chaque être humain son mystère.

Virginie Apiou

Les séances du week-end :

Poetry de Lee Chang-dong (Shi, 2010, 2h19)
Comoedia di 16 16h30

Burning de Lee Chang-dong (Beoning, 2018, 2h28)
Pathé Bellecour di 16 18h45

Documentaire
Lee Chang-dong, un art de l’ironie d’Alain Mazars (2022, 1h)
Villa Lumière di 16 14h30 (suivi de Heartbeat, court-métrage de Lee Chang-dong, 28min)