Fables d'un esprit libre

Posté le 18.10.2022

Deux films tournés à un demi siècle d'écart, le polonais Jerzy Skolimowski montre que sa vision du monde, inquiète et poétique, n'a pas changé.

L’âne et l’étudiant, cela pourrait être le titre d’une fable de La Fontaine. Ce sont en réalité les héros de deux films du polonais Jerzy Skolimowski : La Barrière (1966) et EO (2022). Malgré leurs cinquante-six ans d’écart, ces deux œuvres se répondent, correspondent, d’où le choix perspicace de les projeter au sein de la même édition du festival.

Une odyssée

La Barrière raconte le parcours d’un étudiant au cœur d’un monde totalitaire qui le met au défi de vivre. EO est la tribulation d’un âne au cœur d’un monde hostile qui le met au défi de survivre. Skolimowski oppose le vivant au collectif quand ce collectif est asservi par un système toxique qui n’a pas de nom. L’âne et l’étudiant accomplissent des exploits physiques merveilleux, des échappées miraculeuses, des renaissances admirables.

Extérieur et intérieur

Tout entre l’âne et l’étudiant transpire la projection mentale. Qu’est-ce qui est vrai ? Qu’est-ce qui est le rêve ou/et le cauchemar ? En explorant sans jamais les délimiter les mondes urbains, forestiers, naturels qui accueillent les héros de La Barrière et de EO, Skolimowski montre l’importance de l’intériorité.

EO, 2022 © DR

Sans mot

Outre le traitement de la thématique universelle de l’oppression sur l’individu par la société, Skolimowski donne à ses deux films une strate supplémentaire pour une compréhension par le plus grand nombre, tout langages confondus. Aux dialogues, il privilégie les images spectaculairement libres. Ce retour au cinéma quasi muet livre deux œuvres à l’esprit commun de poésie violente et gracieuse. Le noir et blanc diffus et aveuglant de La Barrière trimballe la même force visuelle enveloppante que la couleur ultra chaude et prenante de EO.

Aller voir La Barrière puis EO, c’est constater l’évolution du monde face au chaos. Que s’est-il passé en cinquante-six ans ? Skolimowski, âgé de quatre-vingt-quatre ans, esprit toujours libre, répond à cette question grâce à son âne fantastique et à son étudiant des années 60 dans deux films imaginatifs et passionnants.

La Barrière, 1966 © DR

 Virginie Apiou

Séances :

EO de Jerzy Skolimowski (2022, 1h27)
Comoedia ma 18 19h

La Barrière de Jerzy Skolimowski (Bariera, 1966, 1h18)
Pathé Bellecour me 19 17h | Lumière Terreaux je 20 11h