Nicole Garcia, l’humaniste

 


Posté le 15.10.2022


 

Comme actrice ou comme cinéaste, elle n’en finit pas de servir un cinéma humain, sensuel, élégant, habité.

 

Quand elle était enfant, on trouvait souvent qu’elle parlait trop vite. Elle n’est plus une enfant, mais son débit reste conséquent. Nicole Garcia aime toujours autant parler, mais son discours est toujours signifiant, chaleureux, imagé, rythmé par d’innombrables incidentes : un souvenir, une idée, en appelle toujours un autre. Elle poursuit inlassablement le mot juste.

Ces mots qui, avec la complicité de Jacques Fieschi, son coscénariste, revêtent tant de puissance dans les films qu’elle a réalisés. Depuis Un week-end sur deux (1990) jusqu’à Amants (2020), le cinéma de Nicole Garcia explore comme peu d’autres pourquoi la vie ne vaut rien… et pourquoi rien ne vaut la vie.

Dans une interview au Monde l’an dernier, elle confiait que sa mère l’avait laissée s’inscrire au conservatoire d’Oran, pour justement discipliner son parler précipité. Or les souvenirs qu’elle livrait dans la foulée disaient aussi le contraire. Elle évoquait dans la foulée le souvenir d’une sortie de l’adolescence “bâillonnée”. Le théâtre lui a permis de faire entendre sa voix “et, à défaut de parler en mon nom, parler avec d’autres mots que les miens.”

 

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Elle se souvient exactement de l’angle de rue où elle se trouvait à Oran lorsque rentrant du collège elle osa se dire pour la première fois “je serai comédienne”. Elle a treize ans alors et une professeure de français, Monique Rivet, dont l’influence s’est avérée décisive, qui flatte et encourage son talent pour la récitation. “Elle avait vu jouer Gérard Philipe”, alors la petite cherche toutes les occasions de lui parler, jusqu’à lui avouer son désir. “Elle a eu un moment de recul, comme effrayée par son influence sur moi”. Des années plus tard, l’Algérie loin derrière elle, le nom de l’enseignante qu’elle croyait avoir oublié, lui reviendra en flash en découvrant son nom sur la liste des reçus au concours du Conservatoire de Paris.

Au théâtre, très vite, les rôles affluent. Le cinéma ne l’attire guère. Mais bientôt des réalisateurs comme Jacques Rivette ou Alain Resnais vont la voir sur scène, ce qui la trouble. Bertrand Tavernier est le premier cinéaste majeur à l’attirer dans cette lumière en 1975. Dans Que la fête commence, son rôle de si piquante maquerelle à la cour de Philippe d’Orléans suscite le désir d’autres cinéastes. Il lui faudra cependant des années pour trouver naturelle la bascule vers le grand écran comme elle le reconnaissait en 2014 lors d’une master class au Forum des images. “Nombre de mes premiers films, je les ai faits un peu “à côté”, en regardant ma montre car je savais que je serais au théâtre le soir.”

Avec le temps, elle finit par aimer la “satisfaction narcissique” qu’apporte le cinéma. A fortiori, au côté de quelques-uns des acteurs les plus populaires d’alors : Jean-Paul Belmondo (Le Corps de mon ennemi), Lino Ventura (Un papillon sur l’épaule), Yves Montand (Garçon !).

L’idée de réaliser est encore lointaine, mais prend forme après avoir tourné Mon oncle d’Amérique sous la direction d’Alain Resnais, avec qui elle prend conscience de "l’entreprise" que revêt la création d’un film. Un premier court (15 août, 1986) sélectionné au Festival de Cannes la convainc d’ouvrir un nouveau front. Aux mots des autres succèdent enfin ses mots à elle pour dire les failles affectives de ses sembables. C’est en particulier à travers ses portraits remarquables de femmes “bousculées” dit-elle, qu’elle imprime sa touche : Nathalie Baye (Un week-end sur deux), Catherine Deneuve (Place Vendôme), Marion Cotillard (Mal de pierres).  "Quelque chose dans la folie des femmes m’attire, lorsqu’elles portent en elles une fragilité, une bascule possible… et même parfois le risque d’une catastrophe". Toutes ces héroïnes lui ressemblent et l’ont aidée à apprécier d’où elle vient. Ce qu’elle confirme lorsqu’on lui demande à quoi sert le cinéma : “À grandir”, dit-elle.

Carlos Gomez

 

 


Les séances du week-end :

Mal de pierres de Nicole Garcia (2016, 2h01, VFSTA)
UGC Confluence di 16 11h15

Un week-end sur deux de Nicole Garcia (1990, 1h37)
Institut Lumière di 16 14h45

L’Honneur d’un capitaine de Pierre Schoendoerffer (1982, 1h57)
UGC Confluence di 16 18h45



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