Posté le 20.10.2022
Le cinéma, c'est aussi une histoire de fidélité : gros plan sur ceux qui ont épaulé Tim Burton dans la création d'une oeuvre unique.
Johnny Depp
A quoi ça tient de l’histoire du cinéma… Alors qu’il cherche un comédien pour Edward aux mains d’argent, Tim Burton rencontre… Tom Cruise. Heureusement, ça ne donne rien. Le rendez-vous suivant est le bon : rescapé de la série télé 21 Jump Street, Johnny Depp, gueule d’ange, mais tourments intérieurs costauds, trouve son maître. Les deux s’observent, timides et mutiques, puis entament une collaboration précieuse, riche de huit films à ce jour – en comptant la voix des Noces Funèbres. Tim Burton a trouvé son double qu’il fait jouer avec une irrésistible naïveté et une profonde étrangeté. Seule exception à cette innocence aux mains pleines, le démoniaque Sweeney Todd.
Dany Elfman
Sans ce musicien rouquin, que Burton vint chercher de façon inattendue pour composer la musique de Pee-wee Big Adventure, alors qu’il était le chanteur du groupe Oingo Bongo, les films du cinéaste n’auraient pas la même couleur, entêtante et poétique. Ces bandes originales sont faites de fanfares décalées, de cuivres profonds, de chœurs féminins oniriques et du cristallin glockenspiel. Mis à part une courte brouille – c’est Howard Shore qui signe la musique d’Ed Wood - la collaboration a été continue et fructueuse, avec peut-être comme point d’orgue les géniales chansons de L’Étrange Noël de Monsieur Jack qu’Elfman interprète lui-même (en v.o.).
Vincent Price
Il fut l’un des rois du cinéma d’horreur, notamment grâce aux adaptations d’Edgar Poe signées Roger Corman. Idole du jeune Tim Burton, il accepte de prêter sa voix au court-métrage d’animation Vincent que l’apprenti cinéaste tourne en en arrivant chez Disney : l’histoire d’un gamin gothique qui aimerait être un héros de cauchemars. Plus tard, Burton lui confiera le rôle de l’inventeur d’Edward aux mains d’argent et entamera un documentaire en forme de conversation interrompue par la mort de l’acteur en 1993. Il y a beaucoup de la relation entre Burton et Price dans l’indéfectible amitié qui unit Ed Wood à Bela Lugosi dans le film de 1994.
Tim Burton, Vincent Price et Johnny Depp sur le tournage d'Edward aux mains d'argent, 1990 © DR
Rick Heinrichs
Un homme de l’ombre. Ils se croisent chez Disney, où Rick Heinrichs est l’un des rares à repérer le talent de son jeune collègue neurasthénique. Il sait surtout prendre les dessins de Burton et leur donner vie en volume – ce sera particulièrement frappant pour L’Étrange Noël de Monsieur Jack, réalisé sous la supervision de Burton par Henry Selick, troisième acolyte de la « team Disney » de l’époque. Par la suite, Heinrichs va devenir le directeur artistique attitré du cinéaste, décrochant un Oscar pour les décors de Sleepy Hollow, toujours au travail sur les films les plus récents, Big eyes et Dumbo. Rendre tangible l’imagination débordante du cinéaste, c’est son boulot et il le fait bien.
Michael Keaton
Tim Burton avoue ne jamais avoir vu le comédien avant qu’on lui souffle son nom pour Beetlejuice. Qu’importe : « Michael est fou, c’est une pile électrique, et il a de très grands yeux. J’adore les yeux des gens et il en a assurément une paire… sauvage », déclare le futur réalisateur de… Big Eyes. Keaton excelle dans Beetlejuice, improvisant beaucoup et Burton lui offre à la surprise générale le rôle nettement plus introverti de Batman, qu’il jouera deux fois, incarnant un personnage comme possédé par une double vie qui le terrorise. Tim Burton le rappelle des années plus tard pour jouer l’entrepreneur mégalomane de Dumbo. Une prestation savoureuse.
Helena Bonham Carter
Tim Burton rencontre la comédienne anglaise sur le tournage de La Planète des singes, début d’une collaboration fructueuse et d’une vie commune non moins épanouie, puisqu’elles donnent naissance à sept films et deux enfants. Sans doute Helena Bonham Carter avait-elle caché sous son apparence d’héritière distinguée (elle est l’arrière-petite-fille d’un premier ministre britannique) une excentricité qui s’exprima pleinement sous la direction du cinéaste. On n’oublie pas sa prestation dans Sweeney Todd dans le rôle de Madame Lovett, qui cuisine de délicieux pâtés à la viande à partir des… victimes du barbier vengeur.
Helena Bonham Carter (Sweeney Todd, le diabolique barbier de Fleet Street, 2007) © DR
Aurélien Ferenczi