Posté le 22.10.2022
La comédienne franco-italienne Monica Bellucci est revenue avec lucidité et franchise sur sa carrière, son rapport avec le cinéma et sa beauté.
© Olivier Chassignole
Sur le rapport du cinéma à la beauté des actrices :
Quand j'ai commencé le cinéma, je venais de la mode et j'avais beaucoup d'à priori sur ce milieu. Mais il faut savoir les écouter car ils ont parfois raison. Je ne peux pas nier que le fait d'être jolie m'a ouvert des portes. Cela m'a rendu la vie plus facile. Mais la beauté ne dure que cinq minutes s'il n'y a rien derrière. Maintenant que mon corps a vieilli, il y a autre chose. Quand tu vieillis, tu utilises d'autres palettes de ton jeu. Ce ne sont plus les mêmes que quand tu étais jeune et jolie. Ceci dit, le cinéma aide beaucoup mieux les actrices d’aujourd’hui sur la question de l'âge. Quand j'avais 20 ans, je n'aurais jamais pensé que je pourrais encore travailler vingt ans plus tard de la même manière. Et puis, nous les femmes, on nous regarde maintenant pour autre chose que pour notre seul physique. Cela signifie que les hommes aussi ont changé. Le monde se transforme, même s'il faudra encore du temps !
Sur la dimension aventurière et internationale de sa carrière :
Quand on décide de faire ce métier, il faut être un peu aventurière. Une des qualités d'un comédien est selon moi de savoir s'adapter aux situations. Chaque metteur en scène vous apporte une expérience nouvelle et c'est ce qui est enrichissant. En travaillant dans des pays différents, j'ai eu l'opportunité d'aborder d'autres cultures. C'est une chance car sans mon métier, je ne serais pas celle que je suis aujourd'hui. Par exemple, avec Emir Kusturica, j'ai parlé serbe. Tout ça, c'est magique ! Tu rentres dans des mondes différents, mais sur la pointe des pieds. Il faut le faire avec beaucoup de respect.
© Léa Rener
Sur les raisons qui lui font accepter un rôle :
Je me demande toujours comment le rôle en question va me faire évoluer en tant que personne et comment il va me faire devenir une meilleure comédienne. Quand un rôle me plaît, je ne regarde pas combien de temps j'apparais à l'écran. Même un rôle de trois minutes peut être très enrichissant et plus fort que deux heures passées à l'écran. Bien entendu, j'ai aussi besoin de sentir en moi un désir de travailler avec le ou la cinéaste qui me sollicite. J'aime partager de nouvelles énergies. J'ai mûri et j'aime donner à de jeunes metteurs en scènes un peu de mon expérience. J'aime bien aussi qu'on pense à moi pour des rôles auxquels je n'aurais jamais pensé. Ce côté imprévisible me plaît !
Sur son expérience dans Irréversible, le film de Gapar Noé :
Quand on me dit que le film est « irregardable », je le comprends car on ne peut nier qu'il est violent. Gaspar Noé arrive à émouvoir en racontant des choses terribles. Love, par exemple, est un film porno qui fait pleurer ! Mais ce qu'Irreversible montre d'intéressant, c'est le contraste entre la poésie de l'homme, sa douceur, et la violence dont il peut être capable. Mon physique était utilisé comme un objet de travail par Gaspar Noé. Il voulait utiliser ma beauté pour montrer la monstruosité. Le corps, pour un acteur, c'est l'égal d'un instrument. Aujourd'hui, je l'utilise beaucoup moins. Il y a un moment pour tout !
Sur Anita Ekberg, l’héroïne de The Girl In The Fountain
Anita Ekberg était libre. Elle était comme une tornade quand elle est arrivée dans une Italie où les femmes ne sortaient pas de la cuisine. Les femmes d'aujourd'hui apprennent beaucoup des femmes qui, comme elle, ont osé bouger les codes. On a toutes appris du courage d'Anita Ekberg, qui a été une pionnière. Elle est malheureusement passée des étoiles à quelque chose de très dramatique. Cependant, même quand elle était désespérée et triste, il demeurait en elle une forme de légèreté. The Girl In The Foutain évoque aussi le star-system italien de l'après-guerre et celui d’aujourd’hui. En d'autres termes, il raconte la femme du passé et celle d'aujourd'hui. Il y a un petit moment tout à fait magique dans le film qui montre l'instant au cours duquel un acteur décide d'être son personnage.
© Olivier Chassignole
Propos recueillis par Benoit PAVAN