Posté le 17.10.2022
Mes petites amoureuses, 1988
Un tout jeune homme sur un banc est l’un des motifs qui traverse le film de Jean Eustache, Mes petites amoureuses, seconde restauration après le succès de La Maman et la Putain. Réalisée en 1974, cette œuvre est aussi gracieuse qu’une peinture du Moyen Age où l’on trouve des gestes sacrés, des expressions cruelles, des sentiments de danger et des rêves d’accomplissement, le tout sans dissonance. Daniel, le très jeune héros de cette chronique, file à travers le monde, une France campagnarde, puis de moyenne ville du Sud, avec le même rythme immuable, celui de l’observation. Plus tout à fait dans l’enfance, et pas encore vraiment adulte, il met une distance entre lui et les autres, d’abord pour les écouter, ensuite parfois pour agir.
Eustache construit ainsi un visage français, une époque, composée de sensations limpides entre pragmatisme et universel. L’idée éternelle du premier baiser, peut-être possible avec des filles, des jeunes femmes, côtoie la réalité de théories masculines autour de l’argent, la réparation d’une moto en chemise blanche, ou le mariage. Pas très loin, le groupe des adultes aguerris renvoie un fatalisme peu disert. Et puis, le cinéma, les films d’aventure et l’indépassable Pandora, histoire d’amour légendaire, ponctuent la vie. Mes petites amoureuses devient peu à peu une œuvre miraculeuse, Eustache crée une vie, celle du jeune Daniel, qu’il ne fait partager qu’aux seuls spectateurs grâce à une voix off, la pensée intérieure du très jeune homme qui irradie tout le film.
Virginie Apiou
Séances :
Mes petites amoureuses de Jean Eustache (1974, 2h03, VFSTA)
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