Le Chilien qui filmait les femmes

 


Posté le 17.10.2022


 

Gros plan sur le cinéaste chilien Sebastián Lelio, avec son nouveau film The Wonder, présenté en avant-première.

 

Il s’est imposé sur la scène internationale avec discrétion et humilité, en signant de magnifiques portraits de femmes, des femmes qui cherchent toutes à se libérer de de différentes formes d’oppression. Après trois premiers films remarqués, Sebastián Lelio acquiert une dimension supplémentaire lors de la présentation au Festival de Berlin, en 2013, de Gloria, qui vaut à son interprète Paulina García un prix d’interprétation.

Dans ce portrait joyeux et mélancolique d’une femme mûre qui redécouvre le plaisir, Sebastián Lelio, montre une délicatesse, une sensibilité rares. Quatre ans plus tard, il remporte l’Oscar du meilleur film en langue étrangère pour Une femme fantastique, ce qui lui ouvre les portes d’une carrière en langue anglaise. Il enchaîne avec l’adaptation d’un roman de Naomi Alderman, Désobéissance, le récit d’un amour lesbien interdit dans la communauté juive orthodoxe de Londres. En un sens, le titre définit son cinéma : « En général, dit-il, la beauté de la désobéissance dans l'art est que la société a donné à l'artiste la liberté d'explorer et de tout essayer, de descendre dans l'abîme, de rendre toute frontière morale floue et d'explorer le côté obscur. En ce sens, au cinéma, en musique et au théâtre, la désobéissance est presque une obligation. »


LELIO Disobedience
© DR

 

Après un savoureux auto remake de Gloria, avec Julianne Moore, Gloria Bell, il adapte aujourd'hui, à quarante-huit ans, un roman de la canadienne Emma Donoghue (dont un précédent ouvrage avait fourni la matière du film Room). Le scénario est co-signé par la dramaturge Alice Birch, figure féministe engagée des scènes anglaises. Situé dans les années 1860, The Wonder raconte l'opposition entre une infirmière rationaliste (interprétée par la jeune comédienne anglaise Florence Pugh), formée aux soins modernes par Florence Nightingale, qu'elle a accompagnée pendant la guerre de Crimée, et une communauté qui veut croire au miracle d’une fillette qui dit se nourrir de « la manne céleste » et se prive de nourriture depuis plusieurs mois.

« Dans le film, l'enjeu est un corps féminin, qui se trouve contrôlé par des récits extérieurs, explique Sebastián Lelio. Ici, chacun veut imposer son récit propre, en déformant la réalité. Voici la définition de la position fanatique. C’est un film qui s'insère dans le monde d'aujourd’hui : il parle d’aujourd’hui. Que ce soit un film situé à une autre époque fait partie du jeu, de l’artifice, mais ce n’est pas le propos. Ce n’est pas de l'année 1862 qu'il est question, ce qu'on voit là, c'est ce qui se passe à toutes les époques et à moins que nous ne nous libérions du cancer du fanatisme sous toutes ses formes, cela va continuer d’arriver. »

 

 

Aurélien Ferenczi

 

 


La séance (avant-première) :

The Wonder de Sebastián Lelio (2022, 1h43)

Lundi 17 octobre à 18h15 au Pathé Bellecour




Catégories : Lecture Zen