Amorosa

Histoire permanente des femmes cinéastes

Venise. Agnes von Krusenstjerna (Stina Ekblad) est écrivaine. En lutte permanente avec le milieu aristocratique dont elle est issue, elle veut écrire librement. Elle est mariée à David Spengel (Erland Josephson), un homme intelligent, mais au caractère changeant et difficile. Il devient son co-auteur, son agent, son éditeur… Il l’aime sans doute plus qu’il n’aime sa propre vie, faisant ressortir le meilleur en elle, parfois le pire. Jusqu’à la folie.

Journal de Mai Zetterling, 27 janvier 1983: « I've got Agnes on the brain. […] The strange bird in our literature. » La passion de la cinéaste pour l’autrice suédoise est ancienne. C’est déjà Agnes von Krusenstjerna qu’elle avait adaptée dans Les Amoureux. Pour Amorosa, il ne s’agit plus d’adapter mais bien de transposer la vie de la romancière à l’écran.

Agnes von Krusenstjerna a tout du personnage de fiction. Sans doute l’une des écrivaines suédoises les plus prolifiques, elle a été admirée et critiquée. Ses ouvrages ont fait scandale. Décrivant l’érotisme, le désir sexuel, ses déviances, elle fut rapidement comparée à Colette ou D. H. Lawrence. Soumise à une éducation construite sur des valeurs anciennes au centre desquelles la famille fait figure de pilier, elle sera toute sa vie en lutte contre la pression de son milieu. Obstinée, elle réfléchira constamment sur cette idée, au point de passer pour folle, et trouvera une certaine sérénité auprès de David Spengel, un homme à la réputation de pervers notoire. Agnes apparaît ainsi comme un personnage fort, révolté et vulnérable à la fois. 

Le film est présenté à la Mostra de Venise. Pour la rédaction de Positif (n°309, novembre 1986) : « Servi par une remarquable comédienne, Stina Ekblad, Amorosa nous fait retrouver une Mai Zetterling qui recherche moins le scandale ou l’effet que dans Jeux de nuit, par exemple, mais qui sait peindre une époque et un beau personnage féminin, luttant contre la tradition et imposant son autonomie en étant fidèle à ses sentiments. » Amorosa, de structure plus classique que ses précédents films, laisse entrevoir une Mai Zetterling « assagie ». Sur la forme, peut-être. Sur le fond, elle signe un film dans la droite ligne de son œuvre, portant haut ses convictions féministes. « Agnes montre à quel point les traditions sont vulnérables face à la conviction qu'une femme n'a d'autre choix que d'être elle-même. Pour cela, chaque convention doit être rejetée, tous les risques doivent être pris. Ce film n'est peut-être pas une histoire d'amour au sens romantique du terme. Mais il s'agit de l'amour qu'une femme a pu courageusement apporter à l'avenir de la société par la seule force de son désespoir face à son passé. » (Mai Zetterling)