Big Fish

Prix Lumière : Tim Burton

Will (Billy Crudup) a toujours entendu Edward (Albert Finney), son père, raconter des histoires. Son enfance a été bercée par les récits épiques de celui qui, en contant ses incroyables aventures, a toujours fasciné et enchanté ceux qu’il rencontrait. Aujourd’hui, Will n’en peut plus. Bientôt père lui-même, il ne croit plus ni aux géants, ni aux sorcières aux yeux magiques, ni à ces voyages homériques dans des contrées étonnantes… Il voudrait enfin connaître l’homme qui se cache derrière ces fables. Alors qu’Edward, malade, vit ses derniers instants, Will essaie de démêler le vrai du faux.

Il aura beaucoup été écrit, au moment de sa sortie, que Big Fish était le film du changement, voire le virage à 180° d’un cinéaste habitué aux univers sombres. Certes baigné de lumière et d’apparence "plus léger", c’est pourtant définitivement un film burtonien. Quand on lui propose cette adaptation du roman de Daniel Wallace, Tim Burton vient de perdre son père. Même si les deux hommes n’étaient pas particulièrement proches, le cinéaste se questionne sur leur relation. Le récit de Wallace tombe à point nommé, le cinéaste se dit « heurté de plein fouet, de façon primitive ». (Tim Burton in Tim Burton - Entretiens avec Mark Salisbury, Points)

Alors que son père va bientôt mourir, Will cherche à savoir qui il est réellement. Enfin. Car celui-ci, mythomane de talent, a toujours subjugué son auditoire en racontant des histoires fabuleuses, autant de récits pour enjoliver des absences inhérentes à son métier de représentant de commerce. Des souvenirs bigger than life dans lesquels Edward a rencontré un géant, une sorcière borgne, un directeur de cirque également loup-garou, un poète devenu braqueur, des siamoises chinoises… 

Ode à l’imagination, Big Fish est également un récit initiatique. Il décrit des émotions adultes : la filiation, la non-communicabilité entre père et fils, l’inversion des rôles quand les parents vieillissent, le couple âgé. Ici l’imaginaire est dans les souvenirs et la réalité des vies et des sentiments s’affiche à l’écran. À moins que…

« Face aux tenants du prosaïsme, j'ai toujours défendu l'idée que Frankenstein me dit plus de choses sur mon environnement immédiat, sur mes rapports avec ma famille, mes voisins, ma culture, que les actualités télévisées. La ligne de séparation entre la réalité et l'imaginaire est constamment floue. L’élection d'Arnold Schwarzenegger comme gouverneur de Californie, est-ce la réalité ? Pour moi, l'imaginaire est plus vrai. J'apprécie les gens qui admettent qu'un fantasme, s'il parle aux gens, leur apporte plus de réalité. » (Tim Burton, Positif n°517, mars 2004)