Black Moon

Louis Malle

Sur une route isolée, fusent des détonations. Lily (Cathryn Harrison) fuit et découvre une maison retirée. Là vivent, à l'écart du monde, d'étranges personnages : un frère (Joe Dallesandro) et une sœur (Alexandra Stewart), une vieille dame nourrie au sein (Therese Giehse), des petits enfants et une licorne.

Après Lacombe Lucien (1974), Louis Malle retrouve le cinéma documentaire avec la réalisation d’Humain, trop humain et Place de la République, tournés dans une usine d’automobiles et dans les rues de Paris la même année.

Suite à cette pause de quelques mois, il réalise un film singulier : Black Moon, en rupture totale avec ses œuvres précédentes, notamment à cause du passage du réalisme au surréalisme. Le cinéaste choisit à nouveau une héroïne adolescente, à l’instar des héros du Souffle au cœur et de Lacombe Lucien. Comme Julien et Lucien, Lily doit opérer un passage difficile entre deux univers : l’enfance et l’âge adulte. Cette œuvre peut aussi rappeler l’aventure imaginaire de Zazie dans le métro, même si celle-ci s’ancrait dans une réalité temporelle et géographique. Insolite et onirique, Black Moon est dépouillé de toute contrainte narrative, il n’y a pas de lien entre les scènes si ce n’est le lieu où elles se déroulent : une maison isolée ; l’époque et le lieu de l’action ne sont pas précisés.

C’est à travers les yeux de Lily que le spectateur découvre une civilisation dans laquelle la nature et les animaux sont centraux, où le langage ne compte plus, un endroit épargné des horreurs de la guerre et de la violence des hommes. L’héroïne, telle une nouvelle Alice, pénètre un univers d’une grande beauté plastique, sensuel et sauvage, où les fleurs gémissent lorsqu’on les écrase et où une licorne passe au loin.

 « Avec ce dernier film s’opère l’aboutissement d’une révolution dans l’expression, du naturalisme (de fiction comme de reportage) à une libération formelle et visuelle, non restrictive. Tous les thèmes s’y cristallisent, dans un éclatement de la représentation des objets et des formes, nettement marqué de surréalisme, qui ne peut de prime abord que surprendre. » (Gilles Colpart, Image et Son / La Revue du Cinéma n° 300, novembre 1975)