Burning

Invités du festival : Lee Chang-dong

Au cours d’une livraison, un jeune coursier, Jong-su (Yoo Ah-in), retrouve par hasard son ancienne voisine, Hae-mi (Jeon Jong-seo), de retour d’un voyage à l’étranger. Elle le séduit immédiatement, bien qu’elle soit revenue en compagnie de Ben (Steven Yeun), un garçon fortuné et mystérieux. S’instaure entre eux un troublant triangle amoureux. Ben révèle à Jong-su son étrange secret. Peu de temps après, Hae-mi disparaît.

Huit ans après Poetry, Lee Chang-dong, cinéaste rare (six films en vingt-et-un ans) signe avec Burning son film le plus envoûtant. Adapté de la nouvelle Les Granges brûlées de Haruki Murakami, Burning est une fable labyrinthique, un drame qui flirte avec le thriller, dans lequel se mélangent réalité, imaginaire, souvenirs et fantasmes. Le spectateur est plongé dans un monde flottant, mystérieux, une sorte de rêve éveillé dont quelque chose nous échappe, à l’instar de ce chat dont Hae-mi confie la garde à Jong-su et qu’on ne verra jamais.

Dans un échange avec sa coscénariste Oh Jung-mi, Lee Chang-dong explique pourquoi il a choisi d’adapter l’œuvre de Murakami : « Lorsque tu m'as conseillé de lire cette nouvelle, elle m'a un peu déconcerté, parce que c'est une histoire assez mystérieuse, mais où, en effet, il ne se passe rien. Cependant, j'ai fini par partager ton point de vue : ce mystère recèle une dimension très cinématographique. On allait pouvoir en faire quelque chose de plus grande ampleur et de plus complexe. Ces trous béants dans l'enchaînement des événements, la pièce manquante qui nous empêche de connaître la vérité, font référence au monde mystérieux dans lequel nous vivons aujourd'hui, ce monde dans lequel on sent bien que quelque chose ne va pas, sans pourtant réussir à expliquer précisément de quoi il s'agit. »

Récit d’apprentissage étrange, virtuose et magnétique, Burning, comme Poetry, suit le cheminement d’un personnage ingénu, qui confronte son désir d’écriture à la violence du monde. Le thème de la création artistique, dans une société où gronde une fureur sourde, est de nouveau très prégnant dans ce récit : Jong-su se présente comme un écrivain en devenir et quand Ben lui demande s’il écrit son livre, il lui répond : « Non, car le monde est encore trop mystérieux pour moi ».

La quête existentielle et obsessionnelle de Jong-su devient l’allégorie de la jeunesse coréenne dans un pays miné par le chômage, la précarité, les inégalités sociales et dont la partition avec le Nord est toujours difficile à accepter. « Ne sachant pas contre qui diriger leur colère, ils se sentent complètement impuissants. À leurs yeux, ce monde prétendument sophistiqué, où il semble facile de naviguer, et qui fonctionne à la perfection, prend l’allure d’un casse-tête géant. » (Lee Chang-dong)