Deux filles dans la rue

André De Toth, les films hongrois

Deux jeunes femmes, Gyöngyi (Mária Tasnádi Fekete) et Vica (Bella Bordy), se rencontrent au hasard des rues de Budapest. Toutes deux ont fui leur même petit village. Elles décident de s’installer ensemble et leurs vies ne tardent pas être bouleversées.

Avec Deux filles dans la rue, André De Toth filme le quotidien de deux jeunes femmes en rupture avec leur famille. De milieux différents (elles n’avaient pas de relations au village), elles décident de s’unir. Gyöngyi, issue d'une famille aristocratique, est enceinte : son père l’a reniée. À Budapest, elle joue du violon pour gagner sa vie. Vica, elle, est une paysanne orpheline, terrorisée par son beau-père. En ville, elle trouve un travail sur un chantier. Cette différence d’origine permet à André De Toth de souligner encore plus fortement le lien entre les deux femmes, la solidarité qui les soude pour survivre "seules", mais désormais "à deux ".

Deux filles dans la rue aborde avec justesse les problèmes sociaux, les questions de harcèlement et de la lutte des femmes pour leur indépendance et leur émancipation. Des questions peu traitées dans le cinéma hongrois de cette période. Autre intérêt de ce drame social, les images de la ville, telle qu’elle était en 1939, métropole en plein développement, donnent au film à certains moments des aspects quasi documentaires.

Photographié par Károly Vass (qui a signé les images du Testament du docteur Mabuse de Fritz Lang et celles des films de Leni Riefenstahl), Deux filles dans la rue prend des allures expressionnistes : angles inhabituels, contrastes forts, jeux d’ombres… Par son ambiance, il annonce les mélodrames noirs à venir en Hongrie, avec ses personnages en marge, en proie à l’anxiété, ses scènes nocturnes et ses criminels sordides et mesquins.

« Attentif aux nuances de jeu des comédiennes, d’un découpage précis et inventif, très soigneux sur les décors, doté d’une très bonne musique, Deux filles dans la rue donne envie de voir d’autres films hongrois d’André De Toth, et d’autres films hongrois à la veille de la Seconde Guerre mondiale. » (Hubert Niogret, Positif n°593-594, juillet-août 2010)