Edward D. Wood Jr. (Johnny Depp) veut faire du cinéma : réaliser, devenir cinéaste. Avec acharnement et optimisme. Mais le cinéma et la profession ne veulent pas de lui, ni de son étrangeté. Sans cesse, soutenu par sa petite amie Dolores Fuller (Sarah Jessica Parker), il écrit des scénarios, bataille auprès des producteurs. Un jour, au détour d’une échoppe de pompes funèbres, il rencontre son idole : Bela Lugosi (Martin Landau).
Épuisé par Batman : Le Défi, Tim Burton devait seulement produire Ed Wood. Mais après avoir lu l’ouvrage de Rudolph Grey et visité Poughkeepsie, la ville de naissance du cinéaste, il décide de réaliser lui-même le film. Il connaît les films de Wood, particulièrement Plan 9 from Outer Space tourné à Burbank, la banlieue de son enfance. Et puis il y a cette relation : Bela Lugosi, pris d’affection pour le jeune Ed Wood, tournant pour lui, qui rappelle celle de Vincent Price et de Tim Burton.
La carrière et l’œuvre d’Ed Wood n’auraient jamais dépassé le cercle restreint des amateurs de série Z si quelques auteurs n’avaient pas décidé de travailler sur le pire du genre, lui décernant à titre posthume le titre de « plus mauvais cinéaste de tous les temps ». Une curieuse notoriété post mortem – le meilleur des plus mauvais – pour un homme qui, malgré tout, a signé des films plus étranges que ratés.
Ed Wood, loser magnifique, a tout des personnages burtoniens. Comme eux, il ne s’est jamais séparé de son âme d’enfant, trouvant dans le cinéma un infini terrain de jeu et d’expérimentation. Hors normes (il aimait se travestir, dirigeait habillé en femme et a réalisé Glen or Glenda sur ce thème), il est rejeté par le milieu du cinéma. Il se choisit une autre famille, celle des marginaux, des oubliés et des monstres ; un groupe naïf, soudé et fidèle, inlassablement au travail. Le patriarche en est Bela Lugosi (l’excellent Martin Landau), drogué jusqu’à l’os. Ed Wood regarde ses comédiens avec une réelle affection, récite en silence leurs dialogues quand ils tournent, un indéfectible sourire aux lèvres : « Cut ! Perfect ! ». "Parfait" : il ne peut en être autrement.
Le regard de Tim Burton sur cet optimiste forcené n’a rien de caustique. Les scènes reconstituées des films de Wood sont d’une fidélité absolue. Seule entorse : le triomphe de Plan 9 from Outer Space, revanche sur l’échec, happy end au conte de fées. Il ressort du film une croyance absolue dans le cinéma. Burton filme le vieil Hollywood, celui de la débrouille et non du glamour. Dans un noir & blanc impeccable (le blanc brûlant de la lumière californienne, les sombres plateaux de fortune), cette œuvre de styliste est à la fois le portrait – l’autoportrait ? – du cinéaste au travail, une déclaration d’amour au cinéma fantastique et au métier d’artisan et une histoire de passation cinéphilique. À ce titre, la rencontre imaginaire entre Ed Wood et Orson Welles, partageant pour des raisons bien différentes l’image d’artistes maudits et marginalisés, laisse envisager une autre Histoire du cinéma.
« Ed Wood trouve sa vérité dans cette relation entre Wood et Lugosi : une vulnérabilité nostalgique, un sens de la transmission, une conscience cinéphile, une mémoire historique qui ne sont pas monnaie courante chez les jeunes réalisateurs américains trustant le box-office. […] Ed Wood s'avère […] passionnant parce qu'il transmet les préoccupations les plus intimes de son auteur, tiraillé entre le centre de la sociabilité et les bordures de l'idiosyncrasie, entre les sommets du succès et les gouffres de la recherche de soi-même. » (Serge Kaganski, Les Inrockuptibles, 21 juin 1995)
Ed Wood
États-Unis, 1994, 2h07, noir et blanc, format 1.85
Réalisation Tim Burton
Scénario Scott Alexander, Larry Karaszewski, d’après Nightmare of Ecstasy: The Life and Art of Edward D. Wood, Jr. de Rudolph Grey
Photo Stefan Czapsky
Direction artistique Okowita
Effets spéciaux Howard Jensen
Effets visuels Paul Boyington
Musique Howard Shore; John Keating, Alan Braden, Dámaso Pérez Prado…
Montage Chris Lebenzon
Décors Tom Duffield
Costumes Colleen Atwood
Production Tim Burton, Denise Di Novi, Touchstone Pictures
Distributeur The Walt Disney Company France
Interprètes Johnny Depp (Edward D. Wood Jr.), Martin Landau (Bela Lugosi), Sarah Jessica Parker (Dolores Fuller), Patricia Arquette (Kathy O'Hara), Jeffrey Jones (Criswell), G.D. Spradlin (le révérend Lemon), Vincent D'Onofrio (Orson Welles), Bill Murray (Bunny Breckinridge), Mike Starr (Georgie Weiss), Max Casella (Paul Marco), Brent Hinkley (Conrad Brooks), Lisa Marie (Vampira), George Steele (Tor Johnson), Juliet Landau (Loretta King), Clive Rosengren (Ed Reynolds), Norman Alden (Bill, l’opérateur), Leonard Termo (Harry, le maquilleur), Ned Bellamy (le docteur Tom Mason)
Présentation au Festival de New York 24 septembre 1994
Sortie aux États-Unis 7 octobre 1994
Présentation au Festival de Cannes 26 mai 1995
Sortie en France 21 juin 1995
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