Françoise ou la vie conjugale / Jean-Marc ou la vie conjugale

Lumière Classics

Chacun leur tour et chacun avec son point de vue personnel, Françoise (Marie-José Nat) et Jean-Marc (Jacques Charrier) racontent les grands événements qui ont marqué leur vie conjugale : la rencontre, le mariage, la naissance de leur enfant, le déménagement en province, la jalousie et les doutes.

Pendant près de trois ans, André Cayatte tente de trouver la solution à un problème narratif qui lui semble insoluble : réaliser deux films apparemment contradictoires, que le spectateur puisse visionner dans n’importe quel ordre. Dans la recherche d’une vérité objective, le cinéaste souhaite montrer deux témoignages subjectifs, celui d’un mari et celui de son épouse, en deux films différents. C’est ainsi que le projet de Françoise ou la vie conjugale et Jean-Marc ou la vie conjugale voit le jour. Simone de Beauvoir, que Cayatte consulte pour le point de vue de Françoise, lui démontre très vite que cette idée est irréalisable, et lui déclare « Jamais vous n'y arriverez, parce que vous voulez obtenir le relief sans la vision binoculaire. La vie d'un couple ne peut être coupée en deux comme cela, vous n'avez que des moitiés, c'est-à-dire rien... » (Simone de Beauvoir citée par Marie-Thérèse de Brosses, Candide, 11 avril 1963) Pour autant, Cayatte ne désespère pas et fait mener une vaste enquête ; on pose séparément la même question à des couples : quels sont les dix grands moments qui ont marqué votre vie conjugale ? Dans une grande partie des cas, le mari et son épouse ont des souvenirs totalement différents. Ces réponses rassurent le réalisateur : il est possible que deux films tournés simultanément sur un même couple ne soient pas répétitifs.

« Ils seront différents, contradictoires, complémentaires et réversibles. On pourra donc les voir dans n'importe quel ordre. On pourra aussi n'en voir qu'un seul. Il ne s'agit pas d'un film en deux parties. Chacun constitue un tout complet. […] Je souhaite qu'on aille voir l'autre, non parce qu'il manque quelque chose à celui déjà vu, mais parce que l'on se demandera comment il peut y en avoir un autre. » (André Cayatte, Combat, 21 janvier 1964)

La sortie est un événement publicitaire : on fait distribuer des pièces pour tirer à pile ou face le film que l’on va voir en premier et une immense double projection est organisée pour quatre cents couples venus d’Italie, des États-Unis, du Royaume-Uni et de pays scandinaves. On montre séparément les deux films aux époux. Après les projections, tous les spectateurs se retrouvent pour débattre et voter pour leur "version" préférée. En effet, comme à son habitude, Cayatte refuse de prendre parti et souhaite seulement exposer les points de vue de ses personnages avec la plus grande neutralité possible ; d’après lui, c’est au public de donner son verdict.