Go and Get It

Sublimes moments du muet / Lumière Classics

Les manigances du rédacteur en chef Gordon (J. Barney Sherry)pour saboter le journal La Gazzetta sont découvertes par l'intrépide reporter Kirk Connelly (Pat O'Malley) et la jeune journaliste Helen Allen (Agnes Ayres), fille du propriétaire du journal. Enquêtant sur une série de meurtres, ils découvrent bientôt que ceux-ci ont été commis par un homme-singe, créé par un étrange savant, le Dr. Ord (Noah Beery), avec le cerveau d'un condamné à mort.

Acteur et cinéaste, Marshall Neilan (1891-1958), interpréta une centaine de films entre 1912 et 1919, dont une bonne partie signée par Allan Dwan, tout en réalisant lui-même de nombreux courts métrages de deux bobines. Passant au long métrage à partir de 1916, il devint le réalisateur attitré de Mary Pickford qu’il fit tourner dans quelques-uns de ses plus grands succès de la fin des années 10, comme Petite princesse (1917), L’Enfant de la forêt (1918) et surtout la première version de Papa Longues-Jambes (1919). Bien qu’il ait été un cinéaste prolifique (on lui doit une soixantaine de longs métrages en vingt ans), on connaît mal sa carrière post-Pickford, à l’exception de quelques titres (le remarquable Tess d‘Urberville en 1924).

Aussi ce Go and Get It constitue-t-il une découverte, car il s’agit d’une œuvre étonnante, à la croisée des genres, dans laquelle se mêlent thriller, polar, comédie, mélodrame et science-fiction. L’affiche américaine du film l’annonce comme « la plus grande combinaison de sensations fortes, d’humour et de mélodrame épuré qui ait jamais honoré l’écran ».

Sorti en France sous le titre Le Système du Docteur Ox, ce long métrage ambitieux est brillamment interprété par la vedette de l’époque Agnes Ayres (future partenaire de Rudolph Valentino) et le lutteur italien Bull Montana, dont le maquillage était si réaliste qu’il fit s’évanouir plusieurs femmes dans le studio. Montana joua un rôle similaire d’homme-singe cinq ans plus tard dans Le Monde perdu (1925) de Harry O. Hoyt, également scénarisé par Marion Fairfax.

Entre courses-poursuites en avion, en train et en bateau et expériences scientifiques à la Frankenstein, Neilan peint un portrait du reporter risque-tout, comme Hollywood en livrera bien d’autres ensuite. Quelques vrais professionnels apparaissent ainsi dans le film, notamment le célèbre Ring Lardner, grand journaliste sportif et auteur de nouvelles sur le base-ball, ami de Scott Fitzgerald, et qui influença Hemingway. Holden Caulfield, héros de L'Attrape-cœurs de J. D. Salinger, le cite comme l'un de ses écrivains préférés.

Malgré son succès populaire et de nombreuses critiques positives, Go and Get It fut longtemps considéré comme un film perdu, jusqu’à ce qu’une copie soit retrouvée dans les archives de la Cinémathèque de Milan.

« Ceci est du bon cinéma américain, mystère à l'Edgar Poe, trucs à la Pearl White, mouvements à la Fairbanks. Excellente recette. En outre milieux journalistiques, lutte entre deux grandes feuilles […], acrobaties aériennes, et interprètes de choix, ayant à leur tête la trépidante Agnes Ayres […]. Le Système du Docteur Ox, avec son crime mystérieux, intriguera les foules, passionnera et amusera. » (Lucien Doublon, Cinémagazine n°47, 24 novembre 1922)