Trahie par l’homme qu’elle aimait et livrée en pâture à des yakuzas, Matsu, surnommée Sasori (Meiko Kaji) est devenue la détenue n°701. Elle endure sa captivité en silence, victime des pires sévices de la part de ses codétenues et des gardiens, tout en préparant une implacable vengeance.
Un archange sombre, grand manteau et chapeau noirs, lame bien en main, le visage impassible, le regard déterminé. En incarnant en 1972 Sasori, "la femme scorpion", Meiko Kaji donna naissance à une icône.
Auparavant, la comédienne avait été mannequin photo et assistante pour des émissions de télévision. Recrutée par le studio Nikkatsu, elle signe un contrat d’exclusivité. Elle tourne alors, à un rythme effréné – parfois plus d’une quinzaine de films par an entre 1965 et 1971. Face aux comédiennes aux allures sages, son style personnel, plutôt « mauvais genre » selon ses propres mots, attire l’œil : elle devient alors cheffe de gang dans la série Stray Cat Rock, où les normes, sexuelles et raciales, sont mises à mal. Quittant la Nikkatsu pour la Toei, elle devient "la femme scorpion", sans doute, avec Lady Snowblood, un de ses rôles les plus célèbres.
Cette nouvelle série – poursuivie jusqu’en 1998, mais Meiko Kaji ne tient le rôle-titre que dans les quatre premiers volets – est adaptée du manga gekiga de Toru Shinohara. À première vue, La Femme scorpion répond aux attentes des spectateurs de cinéma d’exploitation japonais en plein dans le courant Pink Eiga, où érotisme et esthétisme sur grand écran devaient détourner les spectateurs de leur télévision : une prison de femmes, des scènes de nudité, de torture… De prime abord racoleur, La Femme scorpion est, en réalité, un brûlot qui ne dit pas son nom.
Le personnage de Sasori encaisse, mutique. Elle n’en rendra que mieux les coups. Sa haine est inébranlable, froide et profonde. L’abjection des hommes est, quant à elle, totale. C’est la fin de l’innocence et du Japon puritain, c’est le corps comme outil de manipulation. Les deux sexes se confrontent dans une violence abrupte. En creux, la critique d’un système et d’une société où les femmes ne sont que des objets. Pour donner corps à son propos contestataire, le cinéaste Shun'ya Ito signe un premier volet d’une grande puissance visuelle et d’une réelle inventivité plastique ; il expérimente, ce qui est alors plutôt rare dans le genre.
Avec ce film de vengeance sourde à laquelle elle donne un visage, Meiko Kaji marquera des générations d’amateurs de cinéma bis. L’un d’entre eux – et non des moindres –, Quentin Tarantino, reprendra dans la BO de son diptyque Kill Bill la chanson du générique interprétée par Meiko Kaji, Urami-bushi, hommage à la riposte féminine. Urami-bushi, littéralement « le chant du ressentiment ».
La Femme scorpion (Joshu 701-go: Sasori)
Japon, 1972, 1h27, couleurs, format 2.35
Réalisation Shun'ya Ito
Scénario Fumio Konami, Hiro Matsuda, d’après le manga Sasori de Toru Shinohara
Photo Hanjiro Nakazawa
Direction artistique Tadayuki Kuwana
Musique Shunsuke Kikuchi
Montage Osamu Tanaka
Costumes Minako Uchiyama
Production Toei Company
Interprètes Meiko Kaji (Matsu, surnommée Sasori), Rie Yokoyama (Katagiri), Yayoi Watanabe (Yukiko Kida), Yôko Mihara (Masaki), Akemi Negishi (Otsuka)
Sortie au Japon 25 août 1972
Sortie d’un coffret Bu-ray en mars 2023 avec l'intégralité de la saga de La Femme scorpion par Le Chat qui fume.
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