Lacombe Lucien

Louis Malle

Occitanie, juin 1944. Fils de paysans, Lucien Lacombe (Pierre Blaise), 17 ans, fait des ménages dans un hospice. L'exemple de son père, prisonnier de guerre, l'incite à vouloir prendre le maquis. Refusé par l'instituteur chargé du recrutement, il se retrouve embrigadé dans la Gestapo française, filiale de l’allemande. Il tombe amoureux de France Horn (Aurore Clément), la fille d'un tailleur juif caché dans la région.

Louis Malle co-écrit le scénario de Lacombe Lucien avec le romancier Patrick Modiano, obsédé par la thématique de l’Occupation et ses ambiguïtés, qu’il a traitées notamment dans La Place de l’Étoile, La Ronde de nuit et Les Boulevards de ceinture.

Qualifié de chef-d’œuvre par certains, le film est jugé comme un affront à la Résistance par d’autres, car Louis Malle se refuse à juger son héros. Si Lucien se retrouve enrôlé dans la collaboration, c’est notamment parce qu’on lui a refusé l’accès au maquis, où il est jugé trop jeune et pas assez intelligent, mais surtout par un concours de circonstances. Il n’est ni porté par une conviction personnelle, ni par des sentiments idéologiques ou politiques, mais par son orgueil et sa vanité.

Avec Lacombe Lucien, le cinéaste va à contre-courant du cinéma de fiction qu’on lui connaît. En effet, tout sépare Louis Malle de son protagoniste et il dresse ici le portrait d’un petit paysan du Lot, plutôt que celui de la bourgeoisie parisienne. Pour autant, le film se révélera juste et bouleversant, aussi bien quant à la restitution de l’époque qu’au portrait de Lucien. Ce dernier est interprété par Pierre Blaise, un comédien non-professionnel, bûcheron de métier, qui n’était jusqu’alors jamais allé au cinéma. « Dès les premiers rushes, je me suis aperçu qu’il avait en lui quelque chose de très fort et de très ambigu. Il pouvait passer pour le dernier des traîtres et, en même temps, il était incroyablement touchant, à mesure qu’il découvrait le pouvoir, l’argent et la manière d’humilier ceux qui vous ont humilié depuis si longtemps. Pierre Blaise était si bon qu’il m’a valu bien des ennuis. Beaucoup de gens ont presque cru voir dans le film l’apologie d’un collaborateur, parce que Blaise était si émouvant et si troublant qu’il était impossible de le haïr tout à fait. » (Louis Malle, in Conversations avec Louis Malle, Philip French, Denoël)