Carmen (Emma Penella) est la fille d’Amadeo (José Isbert), le bourreau de Madrid. Ses relations amoureuses sont catastrophiques. Tous les garçons qu’elle rencontre la quittent dès qu’ils apprennent la profession de son père. José Luis (Nino Manfredi) est, quant à lui, un employé des pompes funèbres qui souffre des mêmes déboires auprès des femmes. Sa rencontre avec Amadeo débouchera sur son mariage avec Carmen. Sur le point de partir à la retraite, Amadeo va tenter, pour conserver son logement de fonction, de convaincre son gendre de reprendre son poste...
Luis García Berlanga fait partie de la première promotion de l’Institut des investigations et des expériences cinématographiques, fondé à Madrid en 1947, où il rencontra Juan Bardem. On doit à cette génération un renouveau du cinéma espagnol, inspiré du néoréalisme italien, mais teinté d’une ironie spécifiquement ibérique.
Comment devient-on fonctionnaire de la mort par sécurité ? Comment perd-on sa liberté pour assurer sa sécurité matérielle ? Bien que fortement opposé à la peine de mort, Berlanga n’en fait pas là son propos principal. Avec une verve et une noirceur sans égales, c’est bien de la soumission de l’homme à la société qu’il traite ici. Pour ce faire, le cinéaste choisit la comédie. Pour lui, « une des caractéristiques de la comédie est d’avoir reflété la réalité espagnole tout au long de son Histoire avec beaucoup plus d’authenticité qu’un autre style de cinéma avec des ambitions plus importantes. » Et la mort, compagne quotidienne dans la culture ibérique, se prête particulièrement au genre. Ironie et insolence sont les qualités du Bourreau. Voir ce "bourreau à la petite semaine" inquiet, en lisant les journaux, de découvrir le crime odieux qui le forcera à endosser son rôle est d’une drôlerie féroce. Mais le tour de force de Berlanga est de rendre insoutenable la situation, non par sa cruauté, mais par sa banalité.
Afin d’obtenir son visa pour sortir en Espagne, Le Bourreau fait l’objet de nombreuses coupes (douze au total) sous prétexte de cryptocommunisme. Berlanga décide alors de publier une lettre ouverte dans les journaux madrilènes, protestant contre la censure, arguant également dans une interview dans Le Figaro (18 février 65) : « Je les taquinerai jusqu’à la mort ! »
« Au-delà de telle ou telle intention plus ou moins explicite, ce qui frappe avant tout dans le film est le parti pris foncièrement pessimiste – d’un pessimisme râleur, dévastateur, sans rémission – des auteurs devant les problèmes qui se posent à l’homme dans le monde moderne. » (Jean de Baroncelli, Le Monde, 20 février 1965)
Le Bourreau (El verdugo)
Espagne, Italie, 1963, 1h28, noir et blanc, format 1.85
Réalisation Luis García Berlanga
Scénario Luis García Berlanga, Rafael Azcona, Ennio Flaiano
Photo Tonino Delli Colli
Musique Miguel Asins Arbó
Montage Alfonso Santacana
Décors José Antonio de la Guerra
Costumes Maruja Hernáiz, Humberto Cornejo
Production Nazario Belmar, Naga Films, Zebra Films
Distributeur Tamasa
Interprètes Nino Manfredi (José Luis Rodriguez), Emma Penella (Carmen), José Isbert (Amadeo), Ángel Álvarez (Álvarez), María Isbert (Ignacia), José Luis López Vázquez (Antonio), María Luisa Ponte (Estefania), Pedro Beltrán (le fonctionnaire de Madrid), José Luis Coll (l'organiste), Félix Fernández (un sacristain), Alfredo Landa (un sacristain)
Présentation à la Mostra de Venise septembre 1963
Sortie en Espagne 17 février 1964
Sortie en Italie 15 mai 1964
Sortie en France 16 février 1965
Restauration 2K
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