1914, dans un hôpital de Stockholm. Trois femmes (Harriet Andersson, Gunnel Lindblom, Gio Petré) sur le point d’accoucher, se souviennent de leur enfance, de leurs amours et de leurs illusions perdues.
Avril 1966, Mai Zetterling donne un entretien aux Cahiers du cinéma. Première question : « Votre passage subit à la mise en scène, vous qui étiez actrice, nous semble… » La cinéaste interrompt : « Rien ne surgit du néant. Il y avait dix ans que je rêvais de devenir réalisatrice mais je n’avais pas assez confiance, et je ne pensais pas avoir assez de force. Être comédienne ne m’a jamais suffi. J'ai toujours pensé que j’avais en moi quelque chose qui me permettrait, non seulement de recréer, mais de créer. Un artiste est quelqu’un qui crée. » (Cahiers du cinéma n°177, avril 1966)
Née en 1925 à Västeras en Suède, Mai Zetterling fait du théâtre amateur dès l’enfance. À 15 ans, elle débute sur les planches dans une pièce de Pär Lagerkvist. Elle poursuit sa formation au sein de l’École des acteurs du Théâtre royal de Stockholm. À la fin de sa formation, elle est engagée dans la troupe permanente du théâtre.
C’est avec le film Tourments d’Alf Sjöberg (1944), sur un scénario d’Ingmar Bergman, que Mai Zetterling entame réellement sa carrière au cinéma. Après quelques années en Suède, elle signe un contrat avec la Rank Organisation au Royaume-Uni, où elle interprètera des rôles au cinéma, à la télévision et sur les planches.
« Un matin, il y a dix ans, je me suis réveillée en me disant : c’est aujourd’hui que je dois me décider. Fini les compromissions, je ne fais plus que ce que j’ai envie de faire, si je ne m’y résous pas maintenant, alors je ne m’y résoudrai jamais. » (art. cit.) Ce sera donc par le biais de quatre documentaires pour la BBC – tous sur les questions sociales en Suède, Laponie, Islande, sur la communauté gitane en Camargue… – que Mai Zetterling abordera la réalisation. Puis son court métrage de fiction, sans dialogue, The War Game reçoit le Lion d’or à la Mostra de Venise 1963.
En 1966 sort son premier long métrage de fiction, Les Amoureux, dans la droite ligne du cinéma suédois. Ses thèmes et motifs – nuit de la Saint-Jean, obstétrique, angoisse existentielle, début du siècle… – irriguent déjà le cinéma de Bergman. Ce que la critique reprochera d’ailleurs à Mai Zetterling, elle qui, en outre, partage certaines de ses comédiennes avec le cinéaste. Certes. Mais ce que la jeune cinéaste apporte au sujet est son regard de femme.
Ainsi, à travers ces trois destins entrecroisés, c’est bien le portrait de la société suédoise du début du siècle que dessine Mai Zetterling, et évidemment, en creux, celui des femmes de cette époque. Bien qu’issues de milieux différents, les héroïnes sont toutes confrontées à la domination masculine, et doivent assumer seules leur destin, souvent décidé dans leur dos par les hommes de leur entourage. La cinéaste ne contourne rien (sexualité, morale de façade, religion), ses images sont franches et audacieuses. Ce qui ne manque pas de créer quelques remous sur la Croisette lorsque le film est présenté au Festival de Cannes.
Bien que servi par la photo lumineuse de Sven Nykvist, le film est d’une grande noirceur. La narration, construite sur des flashbacks, profite d’un montage juste. Enfin, les comédiennes forcent l’admiration.
« Film qui vaut, en ce que Mai Zetterling y traite sans chiqué des problèmes vrais ; en ce qu'elle les exprime visuellement avec force et mordant, avec une originalité qui ne cherche pas l'originalité. Avec une maîtrise aussi qu'on ne saurait d'ordinaire espérer d'un metteur en scène dont c'est le premier long métrage. » (Stefan Crozet, Jeune Cinéma n° 14, avril 1966)
Les Amoureux (Älskande par)
Suède, 1964, 1h58, noir et blanc, format 1.66
Réalisation Mai Zetterling
Scénario Mai Zetterling, David Hughes, d’après le roman en sept volumes Les Demoiselles von Pahlen d’Agnes von Krusenstjerna
Photo Sven Nykvist
Musique Roger Wallis
Montage Paul Davies
Décors Jan Boleslaw
Costumes Birgitta Hahn
Production Göran Lindgren, Gösta Petersson, Rune Waldekranz,Sandrews
Interprètes Harriet Andersson (Agda Frideborg), Gunnel Lindblom (Adele Holmström), Gio Petré (Angela von Pahlen), Anita Björk (Petra von Pahlen), Gunnar Björnstrand (Dr. Jacob Lewin), Eva Dahlbeck (Mrs. Landborg), Jan Malmsjö (Stellan von Pahlen)
Sortie en Suède 21 décembre 1964
Présentation au Festival de Cannes mai 1965
Sortie en France 2 mars 1966
Restauration Swedish Film Institute, avec le soutien de l'Ambassade de Suède en France.
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