Little Odessa

Invités du festival : James Gray

Tueur à gages, Joshua Shapira (Tim Roth) accepte une mission qui le ramène à New York, à Little Odessa, le quartier juif ukrainien de son enfance. Les retrouvailles sont douloureuses : son père (Maximilian Schell) refuse de parler à ce fils assassin, sa mère (Vanessa Redgrave) est en train de mourir. Reuben (Edward Furlong), son jeune frère, le revoit en cachette. Bientôt, la rumeur de son retour se répand. La mafia ukrainienne se met en branle : le fils de Volkoff (Paul Guilfoyle), son chef, a jadis été tué par Joshua…

Enfant, James Gray avait trois obsessions : le cinéma, le base-ball et les araignées. Le cinéma prend le pas sur le reste lorsqu’il atteint une dizaine d’années. Régulièrement, il se rend du Queens à Manhattan pour voir des films en salles. Il commence à réaliser des courts métrages en Super 8. Au lycée, il rencontre des enseignants cinéphiles, dont son professeur de latin, Chris Spelman, qui l’encourage. Les deux hommes deviennent amis et Spelman travaillera régulièrement ensuite sur la musique des films de James Gray.

À la fin du lycée, James Gray sait qu’il veut faire du cinéma. Ses parents doutent : ils n’ont aucune relation dans ce milieu d’accès difficile. Accepté dans toutes les écoles, il choisit la fameuse USC, l’Université de Californie à Los Angeles. L’apprentissage est trop technique à son goût, il préférerait approfondir les questions de narration, l’histoire, le fond des choses. Pour autant, son film de fin d’études, Cowboys and Angels est remarqué : le producteur Paul Webster lui propose de financer son premier film.

Après un premier développement d’un scénario sur le disco, le cinéaste décide de changer de projet : « Je voulais quelque chose qui soit à l’opposé de ce qui était à la mode à l’époque […]. Un film sans ironie. Un film direct, émouvant, sombre, avec, il me semble, une part d’authenticité. » (James Gray, Jordan Mintzer, Synecdoche) Il mélange alors film de genre sur la mafia slave de Brighton Beach à Long Island, quartier qu’il fréquentait adolescent, et atmosphère plus personnelle, celle de la famille, qui, à l’écran, ressemble fortement à la sienne (il vient alors de perdre sa mère). Tim Roth, séduit par ce personnage sombre, introverti, souhaitant chercher « ce qui restait vivant en lui », est le premier acteur à rejoindre le film. Il est bientôt suivi par Edward Furlong et la grande Vanessa Redgrave. Présenté à la Mostra de Venise, le film reçoit le Lion d’argent. Un coup d’essai, un coup de maître. James Gray a alors seulement 25 ans.

« Le mérite du film ne réside pas tant dans la peinture (au demeurant fort convaincante) d’un milieu peu traité au cinéma que dans l’approche du sujet, un ton feutré et grave, une manière intimiste de montrer la violence. Superficiellement, on pourrait rapprocher ce film de Mean Streets, mais c’est davantage (les moyens en moins) au Coppola romantique et sombre du Parrain, 2^e partie ou à certains Kazan, en particulier À l’Est d’Éden, qu’il fait songer. […] À la différence des Italo-Américains fascinés par la violence qu’ils mettent en scène, le cinéaste s’interroge ici au contraire sur les conséquences de cette violence et imprime dans notre souvenir des souvenirs d’une rare force. » (Michel Ciment, Positif n°405, novembre 1994)