Lumière

Jeanne Moreau réalisatrice

D'origine et d'âge différents, Laura (Lucia Bosè), Sarah (Jeanne Moreau), Julienne (Francine Racette) et Caroline (Caroline Cartier) se sont rencontrées grâce à leur métier de comédienne. De là est née leur complicité. Un soir, une fête pour un prix d'interprétation les réunit. Cette nuit-là, un homme décide de mourir. Julienne décide, elle, de partir avec un nouvel amour, Caroline décide de rester, Laura ne décide rien – son mari décide pour elle –, Sarah décide de vivre, malgré son chagrin.

Jeanne Moreau s’est toujours montrée très active et curieuse sur les tournages ; aux côtés des grands cinéastes, elle a appris toutes les ficelles du métier. C’est lorsqu’elle revoit Shanghaï Express de Josef von Sternberg (1932) que lui vient le désir de devenir réalisatrice, et c’est Orson Welles, témoin de son envie dévorante de passer derrière la caméra, qui achèvera de la convaincre. « À partir de la réalité, j’ai eu des fantasmes. Et le fantasme des fantasmes, n’est-ce pas le cinéma ? » (Jeanne Moreau, Le Point, 20 octobre 1975)

Sept ans avant la réalisation de Lumière, elle commence déjà à prendre des notes dans de nombreux carnets : elle imagine ces femmes, leurs parents, leur enfance… C’est Madeleine Chapsal, son amie romancière, qui lui permet de donner naissance au scénario de Lumière, en l’aidant à retranscrire ses manuscrits. En trois ans, Moreau écrira cinq versions différentes de son film, qu’elle mettra en scène et qu’elle interprètera.

Derrière la caméra, elle filme avec une certaine gravité et une grande sincérité, tournant une chronique intimiste et tendre de cette semaine passée entre comédiennes. Ces quatre femmes semblent former un personnage unique, à différents âges de la vie. Dans cette plongée au cœur du cinéma et de son microcosme sont évoquées la fragilité mais aussi l’intensité des artistes.

« Le sujet est beau, encore fallait-il le bien traiter. C'est ici que Jeanne Moreau se révèle une réalisatrice de talent. Pour elle, la forme compte autant que le fond, c'est incontestable. Les images sont belles et sobres, jamais violentes, jamais heurtées. […] Et les acteurs évoluent dans des appartements aux lourdes tentures, aux boiseries chaudes. Dans un tel cadre, les objets sont à la fois symboles et réalités. Et toujours le jeu des lumières vient ponctuer dialogues et situations. […] Utilisant cette manière, Jeanne Moreau a su exprimer la découverte de rapports riches et profonds entre les êtres. Et un dîner intime où tous les gestes sont tendresse, en dit plus que toutes les scènes érotiques à la mode. » (Monique Portal, Jeune Cinéma n°95, mai 1976)