Mal de pierres

Invités du festival : Nicole Garcia

Gabrielle (Marion Cotillard) a grandi dans la petite bourgeoisie agricole où son rêve d'une passion absolue fait scandale. À une époque où les femmes sont d’abord destinées au mariage, elle dérange. On la croit folle. Ses parents la marient à José (Alex Brendemühl), un ouvrier, chargé d’en faire une épouse respectable. Mais Gabrielle souffre de calculs rénaux – son « mal de pierres ». Lors d’un séjour en cure thermale, elle rencontre André Sauvage (Louis Garrel), un lieutenant blessé en Indochine, qui fait renaître en elle cette urgence d'aimer.

Huitième long métrage de Nicole Garcia, Mal de pierres est adapté du court roman éponyme de Milena Angus, autrice italienne. La cinéaste transpose le récit, originellement situé en Sardaigne, dans la France du début des années 50, en pleine guerre d’Indochine. Le choix de Marion Cotillard pour incarner la fougueuse et anticonformiste Gabrielle s’impose à elle. « Je voulais rendre hommage à la force du désir féminin dont on ne parle pas assez. Et quand on l'aborde, c'est parce qu'il est scandaleux. J'ai eu envie de lui donner toute sa beauté et son intensité. » (Nicole Garcia, Le Journal du Dimanche, 15 mai 2016)

Nommé huit fois aux César, Mal de pierres est d’un classicisme soigné et reconstitue minutieusement la Provence agricole de l’époque, où le désir et la recherche du plaisir chez une femme sont assimilés à une maladie mentale. Romanesque et lyrique, le film fait jaillir l’intime au premier plan : les émotions contradictoires de Gabrielle, son excitation, son désespoir, son amour et sa colère défilent à l’écran, à travers une Marion Cotillard éblouissante.

« Pour retrouver le goût vif du "romanesque", il suffit d'appeler l'enfer à son secours, comme l'aurait dit à peu près Sade. Et c'est justement cet "enfer", celui des profondeurs, que Garcia a convoqué dans Mal de pierres […]. L'histoire, d'abord. Pour définir le chemin de Gabrielle, Garcia parle de "mystique de l'amour", et, en effet, il s'agit bien d'une "possession". Le corps qui s'autorise à parler d'abord et tout seul, c'est "le diable au corps" (dieux ou diables peu importe d'ailleurs, les incubes sont partout). Ici, le "diable au corps" de Cotillard la douce, c'est un diable sous-exposé au déploiement très lent, c'est un diable femelle, secret, obstiné. […] La narration ensuite, diabolique. Elle est tissée de silences et de lenteur, et cela ressemble à du réalisme paysan. Mais, en fait, elle se construit autour de blancs et d'ellipses qui se révèlent être les exacts reflets des dénis et de la forclusion de Gabrielle. Fond et forme, comme on disait autrefois, étroitement ajusté. » (Anne Vignaux-Laurent, Jeune Cinéma n°374, été 2016)