Mars Attacks!

Prix Lumière : Tim Burton

La fièvre des grands jours s’empare des États-Unis : des soucoupes martiennes approchent de la Terre. C’est le branle-bas de combat à la Maison-Blanche. Le président Dale (Jack Nicholson), tout sourire, conseillé par le professeur Kessler (Pierce Brosnan), augure d’une nouvelle ère, tandis que les généraux Decker (Rod Steiger), le belliqueux, et Casey (Paul Winfield), le pacifiste, s’affrontent. Dans les médias, la tension monte. À Las Vegas, comme dans l’Amérique profonde, tous se préparent en regardant le ciel…

« C'est une époque où je regardais l'Amérique de façon étrange, un peu comme un anarchiste, je ne l'aimais plus. J'avais l'impression que tout s'y détraquait et j'ai trouvé dans […] ce scénario de quoi assouvir cette soif d'une certaine causticité. » (Tim Burton, Les Inrockuptibles, 14 octobre 1998) Pour étancher sa soif, Tim Burton confie en 1996 à une bande de Martiens le soin de tout pulvériser.

Ils sont petits, verdâtres, ont de gros yeux globuleux, des lobes cervicaux énormes (forcément, ils doivent être très intelligents), une technologie avancée (forcément, ils doivent être pacifiques) et leur chef porte une cape à paillettes que n’aurait pas reniée Elvis Presley dans ses années Vegas. Issus du mariage entre la pop culture et l’imagerie de la SF des années 50 (qui jouait des terreurs de l’époque, la guerre et les extra-terrestres), les envahisseurs de Mars Attacks! ont été inspirés à Tim Burton et son scénariste Jonathan Gems par une série de cartes illustrées sorties en 1962, rapidement retirées du marché car jugées trop provocantes. Pour ce film, le cinéaste expliquera avoir parfois eu l’impression de se transformer en Ed Wood. L’esthétique choisie n’est pas sans rappeler celle du réalisateur de Plan 9 from Outer Space : les soucoupes volantes, les gadgets, les effets spéciaux aux allures home made…

Réunissant un casting grandiose, Burton démolit à tout va : le président onctueux, la première dame potiche, les militaires de tout bord, les journalistes arrivistes, les Américains moyens. Les seuls à tirer leur épingle du jeu, ce sont ceux qui ne rentraient pas dans le rang avant même le début de l’invasion, à l’instar de l’adolescent (le fils non préféré) et sa grand-mère à l’hospice ou des gamins adeptes de l’école buissonnière. Burton sauve ses marginaux.

Mars Attacks! est une farce, d’une grande drôlerie, inventive (le rôle de la musique de Slim Whitman !), dans laquelle son auteur joue l’entertainment jusqu’au bout, avec une profusion de personnages et d’action. Et quand on lui parle du patriotique Independance Day de Roland Emmerich sorti quelques mois auparavant, Burton a le sentiment d’en avoir réalisé « la version Mad ».

« Revoir Mars Attacks! en 2022 pose cette sourde question : peut-on être nostalgique d'une œuvre qui, déjà à sa sortie, était effrontément nostalgique ? À une époque où la science-fiction est de plus en plus prise au sérieux et se fait de moins en moins légère, Mars Attacks! revêt une insolence assumée qu'on retrouve difficilement dans le paysage audiovisuel actuel, y compris dans le récent Don’t Look Up (Adam McKay) qui, même s'il emprunte beaucoup à l'humour corrosif de son prédécesseur, n'échappe pas à un certain premier degré, trouvant là peut-être les limites de sa subversion. Une chose est sûre : les Martiens de Tim Burton, mini-Jokers à la punk attitude décomplexée, manquent cruellement aujourd'hui. » (Camille Baurin, La Septième Obsession n°39, mars / avril 2022)