Monsieur Ripois

Centenaire Gérard Philipe

André Ripois (Gérard Philipe), Français installé à Londres, a épousé Catherine (Valerie Hobson), une riche jeune femme. Au cours d’un séjour à la campagne, il essaie de séduire Patricia (Natasha Parry), une amie de son épouse. Catherine, fatiguée des infidélités d’André, part pour Edimbourg préparer leur divorce. En son absence, Ripois invite Patricia à dîner. Pour la conquérir, il invente un jeu subtil : il lui raconte sa vie et, surtout, ses différents échecs sentimentaux.

Rejeté comme un des représentants de la "qualité française" par Jean-Luc Godard et François Truffaut, mais encensé par André Bazin, René Clément reçoit le prix du Jury au Festival de Cannes en 1954 pour Monsieur Ripois.

L’adaptation du roman de Louis Hémon était initialement prévue en anglais, avant que Gérard Philipe ne soit choisi pour incarner le rôle-titre. René Clément refusa que les interprètes britanniques soient doublés, ceux-ci jouèrent donc dans leur langue ou dans un français teinté d’accent.

Avec une maîtrise technique exceptionnelle, le cinéaste anticipe des procédés qui seront plus tard utilisés par les réalisateurs de la Nouvelle Vague, qui l’ont tant critiqué.  En effet, certaines scènes, notamment celle où Ripois erre dans Londres, sont tournées avec des caméras portatives, dissimulées sous les manteaux des opérateurs de Clément, sans que les passants s’en aperçoivent. À cette réalisation virtuose s’ajoutent les dialogues riches et acides de Raymond Queneau, qui confèrent son ton mordant à Monsieur Ripois.

« Au-delà de son brio technique et narratif, René Clément, à travers le portrait ambigu d’un Don Juan à la petite semaine, cynique et minable, piégé par ses propres mensonges, fait montre d’un exceptionnel talent de directeur d’acteur. En confiant le rôle principal à Gérard Philipe, René Clément fait œuvre de génie. Le cinéaste joue ainsi sur l’image de séducteur de l’acteur – il venait alors de tourner Fanfan la Tulipe en 1952 et Les Orgueilleux en 1953 – pour déconstruire complètement le mythe qui l’entoure. Parfaitement à l’aise dans le cynisme, la muflerie et le pathétique, Gérard Philipe tient peut-être là son plus grand rôle au cinéma. » (Sylvain Lefort, Revus et corrigés n°15, été 2022) Gérard Philipe se révèle absolument remarquable dans l’interprétation de cet anti-héros égoïste, amoral et féroce, mais tout en charme, en nuances et en ambiguïté, préfigurant le personnage de Tom Ripley qu’Alain Delon incarnera, sous la direction du même René Clément, dans Plein soleil (1960).  Passant du drame à la comédie, et se présentant comme une confession, Monsieur Ripois est à l’époque reçu comme le portrait d’un libertin contemporain. « Il est difficile d’imaginer film moins érotique que Monsieur Ripois, c’est-à-dire plus immoral. » (Albert Bolduc, Positif n°11, septembre 1954)