En 1838, le jeune agent immobilier Hutter (Gustav von Wangenheim) doit se rendre en Transylvanie pour conclure une affaire avec le comte Orlock (Max Schreck). Il laisse à Viborg son épouse Ellen (Greta Schröder), pour qui ce voyage est signe de mauvais présage. Le mystérieux comte sème en effet la terreur parmi les habitants de la région et accueille son hôte de curieuse façon.
Nosferatu fit l’admiration des surréalistes, André Breton, Robert Desnos ou encore Georges Sadoul, qui racontait : « Pendant des semaines, nous nous sommes répété, comme une expression de pure beauté convulsive, le sous-titre du film, au moment où le héros s'achemine vers l'obscur château des Carpates : “Passé le pont, les fantômes vinrent à sa rencontre.” » (Histoire générale du cinéma, Denoël). Ironie du sort, cette formule, devenue mythique, ne doit rien à Murnau, mais a pour auteur un illustre inconnu, le traducteur français…
Nosferatu est une œuvre qui, dès le début des années 20, porta le cinéma muet à un niveau extrême, tout en marquant la véritable naissance du cinéma fantastique. On dira de Nosferatu comme Mabuse, Caligari et les autres créatures expressionnistes, qu’ils furent les signes avant-coureurs d’un chaos social bientôt incarné dans le nazisme. Mais Nosferatu est avant tout un magnifique songe visuel, hanté par la mort et les fantômes. Le scénario adapte librement (et sans autorisation, ce qui créa des problèmes avec les ayants droit de l’écrivain) le Dracula de Bram Stoker. Son film demeurera la référence pour les nombreuses adaptations du roman qui suivirent.
La force de Nosferatu vient également du contre-pied à l’esthétique expressionniste adopté par Murnau. Alors que Robert Wiene, dans Caligari (1919), exploite l’irréalité du tournage en studios, Murnau choisit de tourner, en grande partie, dans des décors naturels, dans les montagnes slovaques, dans les rues de Rostock. Dans un jeu d’ombres et de lumières – grâce à l’exceptionnelle photo de Fritz-Arno Wagner –, Murnau écrit une symphonie de l’horreur, où un univers provincial bourgeois se transforme en paysage de mort et de désolation sur le passage de Nosferatu. Rapidement, une aura de mystère enveloppa le film, qui, dépassant le cadre strict de l'expressionnisme, a acquis un statut aussi irremplaçable qu’énigmatique.
« C’est Murnau, et Murnau seul, en qui l’expressionnisme allemand aura trouvé son épanouissement. […] Observez un cadrage de Nosferatu. Rien de plus simple en apparence, de plus rassurant. […] Mais c’est au cœur même de l’indifférence que la tragédie va s’installer. […] Une horreur sans nom guette dans l’ombre, derrière ces personnages tranquilles, installée dans un coin du cadre comme un chasseur guettant sa proie. » (Alexandre Astruc, Cahiers du cinéma, n° 18, décembre 1952)
Nosferatu le vampire (Nosferatu, eine Symphonie des Grauens)
Allemagne, 1922, 1h35, noir et blanc, format 1.33
Réalisation Friedrich Wilhelm Murnau
Scénario Henrik Galeen, d’après le roman Dracula de Bram Stoker (non crédité)
Photo Fritz-Arno Wagner
Décors & costumes Albin Grau
Production Enrico Dieckmann, Albin Grau, Prana-Film
Interprètes Max Schreck (le comte Orlok/Nosferatu), Alexander Granach (Knock), Gustav von Wangenheim (Hutter), Greta Schröder (Ellen), Georg H. Schnell (Harding), Ruth Landshoff (Ruth), John Gottowt (le professeur Bulwer), Gustav Botz (le professeur Sievers), Max Nemetz (le capitaine), Wolfgang Heinz (un marin), Albert Venohr (un marin), Eric van Viele (un marin)
Sortie en Allemagne 4 mars 1922
Sortie en France octobre 1922
Un film conservé et restauré par le Friedrich-Wilhelm-Murnau-Stiftung de Wiesbaden (Allemagne)
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