Ordet

Lumière Classics

En 1930, dans un village du Danemark, Morten Borgen (Henrik Malberg) exploite ses terres avec ses trois fils. L'aîné, Mikkel (Emil Hass Christensen), est marié à Inger (Birgitte Federspiel) qui attend leur troisième enfant. Johannes (Preben Lerdorff Rye), le cadet, qui se prend pour le Christ, est considéré comme fou. Anders (Cay Kristiansen), le plus jeune, est amoureux d'Anne (Gerda Nielsen) dont le père refuse qu’il l’épouse, à cause des dissensions religieuses qui l’opposent à Morten.

En 1932, Carl Theodor Dreyer assiste à la représentation d’Ordet, pièce du dramaturge et pasteur luthérien danois Kaj Munk. Dès 1933, il cherche à la porter à l’écran. Il est pourtant devancé par le cinéaste suédois Gustaf Molander qui réalise sa version en 1943. Après plus de vingt ans d’attente, en 1955, Dreyer tourne enfin Ordet, son avant-dernier film. Cette œuvre rejoint directement son très ancien projet de mettre en scène la vie du Christ.

Ce film solennel, d’une gravité et d’une pureté rares, trace le portrait d’un milieu rigoriste où, dans le cadre quotidien ordinaire, survient un événement surnaturel : un miracle. Dreyer matérialise à l’écran l’indicible, l’invisible. À l’aide d’un sublime clair-obscur, de longs plans séquences, de décors sobres et dépouillés, il crée une image d’une rare pureté. Ce drame mystique trouve son point culminant lors de la dernière séquence :  Johannes rassemble les deux pères opposés autour d’une foi en un amour total, qui va au-delà de tout conflit religieux. Par la parole – « ordet » – et la passion, un miracle a lieu : Inger ressuscite, laissant le spectateur dans un état de stupéfaction et de bouleversement absolus.

« D’un certain point de vue, Ordet relève d’une esthétique quasi naturaliste. Mais cette manière dramatique réaliste est comme éclairée du dedans par sa réalité ultime. Cette image est imposée à mon esprit par l’usage que Dreyer fait de la lumière. La mise en scène d’Ordet est d’abord une métaphysique du blanc, c’est-à-dire naturellement, des gris jusqu’au noir pur. Mais c’est le blanc qui en est la base, la référence absolue. C’est le blanc qui est tout à la fois la couleur de la mort et de la vie. Ordet est d’une certaine manière le dernier film en noir et blanc, celui qui clôt toutes les portes. » (André Bazin, France Observateur, 5 janvier 1956)

Lion d’or à la Mostra de Venise la même année, Ordet influencera notamment Lars von Trier pour Breaking the Waves (1996).