Time to Love

Trésors et curiosités

Halil (Müsfik Kenter)est peintre en bâtiment sur l’une des îles des Princes, un archipel dans la mer de Marmara, en Turquie. Alors qu’il travaille dans une villa, il découvre le portrait d’une femme, Meral (Sema Özcan), et tombe éperdument amoureux de son image.

Nourri par les films de Charlie Chaplin dès son enfance, Metin Erksan fait des études d’Histoire de l’art à l’université d’Istanbul, tout en écrivant régulièrement des critiques cinématographiques dans la presse. La société de production Atlas Films le repère et lui propose d’écrire un scénario – ce qu’il fera à plusieurs reprises. Bientôt, Erksan veut passer à la réalisation mais, sans expérience, il lui faut convaincre les producteurs : il les menace de ne plus rien écrire pour eux s’ils ne cèdent pas. C’est ainsi qu’il parvient à réaliser son premier film en 1952 : Karanlik Dünya.

Time to Love est le dix-neuvième film du cinéaste, qu’il doit financer lui-même, face à l’incompréhension des producteurs. C’est la télévision qui le diffusera, le film n’ayant jamais pu sortir en salle.

Dans un langage cinématographique innovant, Time to Love est une réflexion sur l’image et son pouvoir. En effet, Halil refuse l’amour de Meral par crainte que la réalité ne soit décevante, comparée au fantasme qu’il entretient grâce au portrait de la jeune femme. Alors que cette image est parfaite, la véritable Meral est soumise à l’altération, au changement.

« C'est une œuvre étrange et inclassable qu'auraient certainement aimée les surréalistes. Erksan calligraphie une mise en scène hiératique et crispée, inscrit ses personnages dans des espaces tirés au cordeau qui les éloignent, minimalise les dialogues et scrute le délire d'un œil d'entomologiste. Situé quelque part entre L'Immortelle de Robbe-Grillet et les mélos mexicains de Buñuel, le film culmine avec un étonnant finale où ― le jour de ses noces avec la belle ― le rival malheureux tire sur la barque où se trouve le couple enfin réuni dans la mort, tandis que glissent au fil de l'eau l'immense portrait encadré de la femme et un mannequin revêtu de sa robe de mariée, fétiches devenus inutiles qui disparaissent en même temps qu'eux. » (Jean-Pierre Berthomé, Positif n°329 / 330, juillet / août 1988)