Un après-midi de chien

Sidney Lumet

Trois hommes braquent une banque de Brooklyn. Le plus jeune, pris de panique, s’enfuit. Restent Sonny (Al Pacino) et Sal (John Cazale), qui constatent que le butin est bien maigre : les coffres sont quasi vides. Ils prennent alors le personnel de la banque en otage, et se retrouvent bientôt assiégés par la police.

C’est un fait réel survenu en août 1972 à New York, relaté dans le magazine Life, qui inspira largement Frank Pierson (déjà scénariste du Gang Anderson). Le scénario d’Un après-midi de chien, à peine terminé, intéresse immédiatement Sidney Lumet, lui le militant de gauche, pro-droits civiques.

Dans l’Amérique du milieu des années 70, sur fond d’une guerre du Viêt-nam finissante, des hommes décident de braquer une banque afin de payer l’opération de réassignation sexuelle de Leon, la compagne transgenre de l’un d’eux, Sonny. Devant les médias qui créent des héros instantanés et une foule de badauds et de voyeurs venus au spectacle, Sonny (exceptionnel Al Pacino) harangue le public aux cris de « Attica ! Attica ! », du nom de la prison où des détenus noirs se sont mutinés en 1971, quelques jours après l’assassinat de George Jackson, militant des Black Panthers. En creux, la dénonciation des violences policières et d’une homophobie latente. De par leur passé, leur personnalité, Sal et Sonny ne réagissent pas comme le commun des braqueurs. La foule est immédiatement acquise à leur cause. Sonny est en quelque sorte la somme de tous les hommes et les femmes en colère du cinéma de Sidney Lumet, ceux qui espèrent qu’un monde meilleur peut encore advenir.

« Le personnage de Pacino, avec son mélange d'anarchisme et d'inconscience, d'amoralisme et de naïveté fonctionne comme un révélateur (la scène où il harangue la foule et prend conscience de son statut de « vedette » est à cet égard exemplaire). La mise en scène est simple, vigoureuse, extrêmement efficace. Comme dans un très grand nombre de ses films, Lumet s'enferme, pour la plus grande partie de métrage dans un décor unique (la banque) mais il n’a jamais aussi bien utilisé les possibilités de ce renfermement. Ses mouvements d'appareil, par exemple, n'ont plus rien de la maladresse hésitante ou apprêtée qui gênait dans certains de ses anciens films. Lorsqu’ils suivent les mouvements désordonnés et imprévisibles d’un Pacino hypertendu, ils en deviennent l’expression, formelle à la fois la plus fonctionnelle et la plus élégante. » (Bertrand Tavernier et Jean-Pierre Coursodon, 50 ans de cinéma américain, Omnibus)